samedi 12 mars 2016

Marketing halal

Le guide complet








Les spécificités culturelles sont dorénavant prises en compte tant dans le mana- gement international que dans les échanges commerciaux. La religion est généra- lement considérée comme un élément immuable de l’environnement culturel. Elle oblige donc les entreprises à adapter leurs offres et leurs pratiques marketings aux caractéristiques religieuses – surtout si elles sont marquées – du pays avec lequel elles travaillent. Pourtant, très peu d’ouvrages traitent des liens qui existent entre le management international et la religion. En revanche, les liens entre la religion et l’économie ont été souvent traités, depuis les travaux classiques de Max Weber (1904/1930) jusqu’à ceux de Jacques Attali (2002). Toutefois, ces ouvrages étudient le rapprochement entre l’économie et la religion en général et non le management international.

Bien qu’étant une civilisation brillante dans tous les domaines, y compris le domaine économique (l’âge d’or de l’islam du VIIIe au XIIIe siècle), l’islam a, selon certains auteurs, manqué le virage du développement moderne1. C’est pourquoi les États-Unis ont proposé un large plan d’intégration des pays du Grand Moyen- Orient avec pour ambition la stabilisation politique et économique de ces pays en partant d’un traité de libre-échange2. Selon le Département d’État américain, il n’est en effet pas possible de promouvoir la démocratie sans un développement économique soutenu. Celui-ci est donc une condition nécessaire à la stabilité politique.


Les auteurs qui font autorité dans le domaine du management interculturel comme Hall (1977), Hofstede (1991), Usunier (1992) ou Hoecklin (1995), ne s’intéressent pas spécialement à la religion et quand ils le font, ils adoptent une approche conventionnelle qui consiste à dire que la religion est un élément inhé- rent à l’environnement culturel et que sa propension au changement est minime. Il est vrai que les entreprises, quand elles choisissent de s’installer ou de travailler avec un pays donné, n’ont pas pour vocation d’influer sur la religion de ce pays. Au contraire, elles cherchent à s’adapter aux nouvelles conditions, que ce soit au niveau du marketing qu’au niveau du comportement organisationnel.





L’islam combine une doxa* (doctrine) ferme et une forte praxis* (pratique), ce qui a des conséquences notables sur les méthodes marketing. Nous tenterons de vérifier si les restrictions sont vraiment plus fortes que les opportunités. Nous verrons aussi s’il est possible pour des entreprises qui utilisent des techniques marketing appropriées de pouvoir faire bouger les lignes et de faire accepter ce qui ne l’était pas au départ. Nous analyserons tout d’abord l’environnement islamique dans sa diversité que ce soit en termes de doctrine ou de pratique. Dans une deuxième partie nous nous intéresserons plus précisément au halal way of life car il est en constante progression, notamment dans les sociétés occidentales, et ne se limite pas aux règles alimentaires. Dans une troisième partie, nous étudie- rons chacun des piliers de l’islam, et nous verrons leur influence sur les politiques marketing. Enfin, nous conclurons avec une étude de cas : la mode islamique.




Introduction


On s’accorde généralement sur le fait que la religion est un élément permanent et essentiel de la culture. Le concept de l’iceberg, largement utilisé dans les ouvra- ges de marketing, donne d’ailleurs à la religion une dimension culturelle essen- tielle. Parmi les très nombreux auteurs qui se réfèrent à ce concept nous citerons Hollensen1 ainsi que Czinkota et Ronkainen2 qui considèrent que la religion est l’élément de culture cachée le plus puissant qui puisse exister. D’après eux, il s’agit d’un élément intangible et qui ne peut être altéré par aucune entreprise, aussi puissante soit-elle. Par altération nous entendons tout changement inten- tionnel ou non de l’environnement religieux dominant dans une société.

Le second concept qu’il est intéressant d’utiliser ici, est celui de l’oignon comme manifestation des différences culturelles. Le cœur de l’oignon symbolise le cœur culturel; ainsi plus on effeuille l’oignon, plus on se rapproche des valeurs fonda- mentales d’une société. Lorsque l’on considère la liste de ces valeurs (bon opposé à mauvais, permis opposé à interdit, décent opposé à indécent, moral opposé à immoral, irrationnel opposé au rationnel), la religion est omniprésente. Pour Hofstede et Hofstede la cause est entendue : la religion ne peut en aucun cas être altérée. Voici d’ailleurs ce qu’ils écrivent : « Ne croyez jamais les hommes politiques, les dignitaires religieux ou les chefs d’entre- prise quand ils disent qu’ils vont changer les valeurs nationales. Ces valeurs nationales doivent être considérées comme des données aussi dures que la position géographique d’un pays ou bien les conditions météorologiques. »





Afin de voir si une altération est possible dans un environnement religieux et plus précisément dans l’islam, nous allons étudier deux paramètres : la force de la théocratie et la force de la doxa2.
Altérations possibles et intensité théocratique


L’une des raisons pour lesquelles la religion est considérée comme immuable est qu’elle représente, dans la plupart des pays que nous connaissons, le socle sur lequel se fonde l’État. À ce titre, la religion intervient comme un facteur important dans les décisions politiques, dans les affaires, dans l’éducation... Les possibilités d’altération sont minimes lorsque l’État accepte qu’une religion soit dominante; les possibilités d’altération sont fortes dans des État qui se revendiquent comme athées. Selon Jean Baubérot, il existe cinq modèles de rapports État-religion :
le premier cas est une stricte séparation entre l’État et la religion; le meilleur exemple en est la France avec sa loi de 1905 sur la séparation de l’État et des religions, considérée comme un modèle dans beaucoup d’autres pays;

le second exemple est celui de l’Allemagne avec un partenariat entre l’État et les religions;

le troisième exemple est celui des Pays-Bas ou de la Suède : les religions sont séparées de l’État mais il reconnaît officiellement l’existence de différents cultes;

lequatrièmemodèleestceluidel’Espagneoudel’Italieetlesconcordatspassés avec l’Église catholique et la reconnaissance des religions et des Églises
minoritaires ; enfin,le cinquième exemple intéresse le Royaume-Uni et la Grèce où existent des



Églises nationales (l’Église anglicane pour le Royaume-Uni et l’Église orthodoxe pour la Grèce) 3

Il s’agit ici de mettre en évidence la grande diversité des rapports entre État et religions en Europe mais également le fait que les théocraties y sont aussi présentes, et pas seulement dans des États islamiques comme l’Arabie Saoudite – qui ne possèdent pas de constitution officielle1. L’Iran, autre État théocratique*, dispose certes d’une constitution votée par le Parlement, mais cette constitution identifie une religion qui fournit le fondement des institutions du pays, même si elle reconnaît par ailleurs l’existence d’un certain nombre d’autres religions2. Il serait donc faux de croire que seuls les pays islamiques sont des pays théocratiques. Le Népal se revendique comme le seul État hindou du monde3, tandis que la Grèce pratique une forme de césaropapisme qui combine pouvoir temporel et pouvoir spirituel4. Pendant très longtemps, les Églises orthodoxes ont pratiqué le césaro- papisme ou bien sa forme russe appelée symphonie*. Il est évident que dans un État théocratique ou dans un État qui pratique le césaropapisme*, il sera très difficile, voire impossible pour les entreprises, de s’opposer à la présence conventionnelle de la religion dans tous les aspects de la vie. Dans ce cas, l’État a le devoir de protéger la religion, s’il le faut en utilisant la force coercitive, en imposant même aux étrangers le respect de sa religion. En ce sens, l’islam est proche du césaropapisme car il n’y a pas de séparation entre le pouvoir séculier et le pouvoir spirituel. Les activités commerciales au même titre que les autres manifestations de la vie sont soumises aux règles morales (de la religion dans ce cas) et doivent obéir aux règles de la Charia. Pourtant deux doctrines s’opposent : selon un des plus importants leaders chiites, l’Irakien Ali Sistani, fondateur de la doctrine du quiétisme*, les responsables religieux devraient s’abstenir d’intervenir dans les débats politiques et se cantonner uniquement aux affaires religieuses. Au contraire de cette position se trouve la doctrine du velayat-e- faqih*, codifiée par le grand ayatollah* dans les années 1960-1970. Celle-ci stipule que le clergé doit diriger la communauté des croyants dans tous les domaines. Dans ce cas, nous avons bien affaire à un État théocratique où tous les pouvoirs sont réunis dans les mains du clergé, et plus particulièrement dans celles du Grand Leader, le Marja al-taqlid*.







Concernant les théocraties non constitutionnelles, il est virtuellement impossible pour les entreprises de faire prévaloir leur point de vue si celui-ci s’oppose à la religion car il n’y a qu’une seule Église ou religion reconnue par l’État, et les trois pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) sont entre les mains des représentants religieux, mis à part le cas de l’Arabie Saoudite. En effet, même si ce pays est officiellement une théocratie islamique, les trois pouvoirs ne sont pas entre les mains des représentants religieux, mais entre celles de la famille régnante puisque c’est la dynastie des Al-Saoud qui dirige le pays. Toutefois, le pouvoir politique garantit et protège une seule acceptation de l’islam, le wahhabisme*.




Concernant les théocraties constitutionnelles, il existe des différences fondées sur l’intensité théocratique pratiquée, mais elles ont en commun de ne reconnaître qu’une seule religion et qu’une seule Église, et cette Église ou cette religion se trouve d’une certaine façon mêlée aux trois pouvoirs. De par la constitution, l’État est dans l’obligation de protéger la religion ou l’Église, et les possibilités pour les entreprises d’envisager une altération de la religion sont minimes. C’est le cas notamment de pays islamiques comme l’Iran, le Soudan ou la Malaisie ou bien du Népal, État hindou. Dans ce dernier cas, si une société comme McDonald’s voulait vendre des BigMac confectionnés à base de bœuf, non seulement les clients n’accepteraient pas d’en manger, mais comme l’hindouisme est inscrit dans la constitution, il serait du devoir de l’État népalais d’interdire non seulement le produit mais aussi l’entreprise. Les dirigeants de cette entreprise seraient considérés comme criminels puisqu’ils enfreindraient la loi suprême du pays.




Concernant le césaropapisme et la symphonie, la religion ou l’Église dominante est inscrite dans la constitution comme c’est le cas en Grèce, au Bhoutan ou au Bangladesh – contrairement à la Russie – mais les autres religions sont acceptées. C’est pourquoi, dans le cas du Bangladesh, on peut très bien vendre de l’alcool, interdit par l’islam mais accessible aux non-musulmans. L’État a une relation spécifique avec la religion, mais la religion n’est pas utilisée comme source de pouvoir et les dignitaires religieux ne disposent pas de fonctions officielles à l’intérieur de l’État. Des possibilités d’altération de la part des entreprises existent car les autres religions et/ou Églises sont autorisées et il est possible de lancer des opérations commerciales faisant référence aux Églises et aux religions non dominantes. Par exemple, Halloween et la Saint-Valentin sont célébrées en Grèce même si l’Église orthodoxe est dominante et même si les dignitaires orthodoxes grecs demandent avec plus ou moins d’insistance la suppression de ces fêtes. Toutefois, dans le cas où apparaissent des dérives sectaires, les Églises dominantes demandent la protection de l’État comme c’est le cas en Russie où l’Église orthodoxe russe demande à l’État de protéger la vraie foi contre la prolifération des sectes.




Dans les monarchies constitutionnelles ou non constitutionnelles, la monarchie se réclame de droit divin en tant que source de sa légitimité à gouverner le pays. C’est le cas de nombreuses monarchies européennes avec une mention spéciale pour le Royaume-Uni dont la reine est en même temps chef de l’Église anglicane depuis 1534, année où Henri VIII se proclama chef de cette Église. La situation n’est pas aussi tranchée qu’au Vatican où le pape (chef d’Église) est en même chef de l’État; en effet en Angleterre la reine n’exerce son pouvoir ni dans le domaine séculier (pouvoir exercé par le Premier ministre), ni dans le domaine spirituel (pouvoir exercé par l’archevêque de Canterbury et primat d’Angleterre). Comme dans les pays du Commonwealth c’est la common law, ou droit jurisprudentiel, qui domine et les entreprises peuvent donc apporter une interprétation différente des affaires.





L’environnement religieux dans les pays laïques est assez facile à modifier puis- que les constitutions de ces États consacrent la séparation de la religion quelle qu’elle soit et de l’État et qu’il n’y a pas de préférence pour une religion ou une Église donnée. Il est donc tout à fait possible de faire naître de nouveaux mouve- ments spirituels ou bien de faire référence et de vendre des produits ou services condamnés par la religion comme par exemple des préservatifs dans des pays à forte tradition catholique mais officiellement laïques, des bières Belzébuth, des chaussures Mephisto (contraction de Méphistophélès) ou bien d’appeler une agence de communication Lucifer. C’est le cas des pays comme la France ou l’Afrique du Sud. Toutefois, même dans ces pays, il est difficile de faire naître de nouveaux mouvements spirituels comme le prouve le cas de l’Église de scientologie, considérée comme une secte en France, alors que dans d’autres pays européens, la Suède, le Portugal et plus récemment l’Espagne par exemple, elle est considérée comme une Église au même titre que l’Église catholique. Le cas des États-Unis est particulier car s’il s’agit officiellement d’un État laïque où la liberté de croyance est garantie, les expressions publiques du pouvoir (du président, des parlementaires et des membres du gouvernement) montrent que celui-ci n’hésite pas à afficher ses préférences. Pourtant aucune limite n’est posée : le marketing n’a aucune difficulté à enfreindre les croyances des habitants que ce soit en termes de produits (le livre Da Vinci Code) ou de promotions pour des denrées alimentaires (pendant la période du Carême). Cas très intéressant, celui de la Turquie, avec une population musulmane à plus de 95 % et pourtant un État viscérale- ment laïque depuis l’avènement de la révolution kémaliste. Non seulement l’islam n’est pas religion officielle mais les piliers de l’islam ne sont pas officielle- ment reconnus et on peut, par exemple, pratiquer ou non le ramadan. L’alcool n’est pas interdit et l’utilisation du foulard islamique est bannie de tous les espa- ces publics, y compris les écoles et les universités. C’est l’un des rares cas où il est possible de vendre des produits et services qui s’opposent à l’islam dans un pays à grande majorité musulmane.






Toutefois, si le produit est autorisé, cela ne veut pas dire que les consommateurs l’acceptent.


Enfin, dans les États athées, la religion n’est pas seulement ignorée dans la constitution, mais ces États se font un devoir de lutter contre son influence. C’est théoriquement la solution la plus favorable à une altération car il y a liberté totale. Cependant si l’entreprise s’oppose à la religion, elle y fait référence quand même. De plus il n’y a pas réellement d’État athée dans le monde, car tous recon- naissent la liberté individuelle, y compris la liberté de croyance. L’influence de la religion peut être limitée, mais elle n’est pas interdite. Il n’y a eu, dans le passé, que quelques cas, par exemple l’Albanie d’Enver Hoxha, qui s’est déclarée être le premier État athée au monde.



Altérations possibles face à la puissance de la doxa


Pour déterminer la puissance de la doctrine, nous allons employer des critères de différenciation. La première ligne de séparation passe entre l’animisme et la religion. L’animisme représente le système de croyances le plus ancien du monde qui considère que les objets inanimés possèdent une âme et que les phénomènes naturels sont également mus par une volonté surnaturelle. Les croyances animistes se transmettent généralement oralement, les entreprises ont ainsi le champ libre pour introduire de nouveaux produits, de nouveaux services ou même de nouveaux comportements car, en l’absence d’une doxa ferme et écrite, il est évident que la propension aux changements est forte.

La seconde ligne de séparation passe entre les religions polythéistes et les religions monothéistes. Dans les religions polythéistes, il y a souvent pléthore de divinités et de dieux et il arrive que les croyants choisissent le dieu ou la divinité qu’ils veulent adorer tout particulièrement. C’est le cas de l’hindouisme où plusieurs dizaines de milliers de dieux et de divinités coexistent ou bien de l’ancien Panthéon grec qui lui aussi comprenait plus d’une centaine de dieux. Même si une hiérarchie existe (avec Brahman d’un côté ou Zeus de l’autre), il n’y a pas d’interdiction religieuse face à l’introduction d’un produit ou d’un service. C’est aux consommateurs d’accepter une marque qui s’appelle Nike (d’après la déesse grecque Nikè qui symbolise la victoire), Hermès (le messager des dieux grecs) ou bien Brahma (nom d’une bière et réalité suprême qui a créé le monde selon les hindous); pour Vishnou, préservateur de l’Univers pour les hindous, nous avons le choix entre un call-center ou une entreprise chimique indienne.

Enfin, les religions monothéistes (les gens du Livre) sont également partagées. Les trois religions (judaïsme, christianisme et islam) se réfèrent à la même source et possèdent des textes communs mais le Livre sacré diffère pour chacune des trois religions. De tous les livres sacrés, seul l’un d’entre eux est supposé contenir le Verbe incarné : c’est le Coran, alors que l’Ancien et le Nouveau Testament ont été écrits par un nombre indéterminé d’auteurs. Si les Juifs n’acceptent pas le Nouveau Testament, les catholiques, les orthodoxes et les protestants ne sont pas d’accord sur son contenu, spécialement sur le statut des Évangiles apocryphes. Contrairement au Coran qui est donné en arabe, une langue parlée encore aujourd’hui par des millions de croyants, l’Ancien Testament est donné en hébreu et/ou en araméen tandis que les Évangiles du Nouveau Testament étaient écrits vraisemblablement en araméen, langue aujourd’hui très peu parlée. Il est, dans ces conditions, assez facile de contester ou s’opposer à la Bible parce que les traductions successives en ont peut-être altéré le sens originel. Chaque nouvelle traduction est un événement car on s’interroge alors sur les possibilités d’interprétation qui peuvent en découler. En revanche, il est impossible de questionner le Coran. D’une part parce qu’il incarne la Parole de Dieu, mais aussi parce que la langue dans laquelle le message nous est parvenu est toujours utilisée par des centaines de millions d’individus dans le monde; pour beaucoup d’entre eux, il n’est même pas besoin de traduire le Coran car c’est leur langue maternelle. Concernant les musulmans non arabophones, la tradition de réciter et de mémoriser le Coran en arabe est une pratique très importante dans la sauvegarde du message originel. Enfin, la représentation physique de la religion (picturale, sculpturale) est bannie en islam afin que des images ou des icônes ne viennent pas détourner l’attention du croyant.


Traditionnellement, l’islam insiste sur l’orthopraxie* (comportement correct) davantage que sur l’orthodoxie* (doctrine correcte). Un bon musulman est identifié comme tel par ses actes observables au quotidien. Il est évident que si la religion a un impact aussi important sur le comportement au sens large, elle aura également une influence sur le comportement du consommateur en particulier. Si par ailleurs le non-conformisme est assimilé à l’hérésie, toutes les possibilités d’introduire un concept qui puisse engendrer un comportement différent de celui de la majorité sera également considérée comme inacceptable et hérétique.

Le monde musulman dans son ensemble, et le Moyen-Orient en particulier, sont extrêmement difficiles à appréhender pour un esprit occidental. Le déferle- ment d’images en provenance de cette région tend à renforcer les stéréotypes déjà présents plutôt que à dégager ses spécificités. Qui plus est, comme le soulignent Luqmani, Quraeshi et Delene1, tous les musulmans sont considérés comme faisant partie d’une communauté unique. Pourtant, l’existence de l’oumma* (la communauté musulmane) ne suffit pas à masquer de profondes divergences au sein de l’islam. Même si le corpus doctrinaire est le même (le Coran, les Hadiths*, la Sunna*, les places sacrées de La Mecque et de la Médine...), il y a non seule- ment des différences à travers les différents courants de l’islam (sunnites*, chiites*, khâridjites*), mais aussi au sein des sunnites et des chiites par exemple. Par ailleurs, les différentes traditions locales ont également généré des pratiques de l’islam largement diversifiées d’une région à l’autre. Enfin, les niveaux de vie et la nature des États sont tellement divers qu’il est difficile de parler d’un consomma- teur musulman type. Il est préférable de parler de consommateurs différents qui ont des attentes et des comportements différents. C’est cette diversité dans l’unité que nous allons envisager dans la première partie à travers l’environne- ment économique et juridique.







CHAPITRE 1 : Diversité dans l’unité


La diversité est partout présente dans l’islam, tout comme elle l’est également dans la chrétienté. Il n’y a pas de consommateur musulman unique car les données environnementales sont fondamentales dans l’analyse du comporte- ment du consommateur. Il sera par exemple impossible d’avoir le même plan marketing en Albanie où 70 % de la population est musulmane et aux États-Unis où seulement 2 % de la population se réclame de l’islam. Le marketeur pensera qu’il est plus facile de faire une offre aux musulmans d’Albanie car ils représen- tent la majorité écrasante de la population plutôt que de perdre son temps aux États-Unis où la population musulmane est minime et éparpillée sur le sol améri- cain. Ce serait une lourde erreur car les 2 % d’Américains de confession musulmane représentent quand même plus de 5 millions de personnes en chiffres absolus alors que la population musulmane albanaise ne dépasse pas 3 millions de personnes. Ce serait surtout une erreur au regard du pouvoir d’achat (45 800 dollars de PIB par tête d’habitant aux États-Unis par an en parité de pouvoir d’achat contre 5 800 dollars en Albanie). L’analyse de l’environnement économique penche définitivement vers les musulmans des États-Unis qui représentent un potentiel autrement plus important que celui de l’Albanie.

Outre les différences économiques, des différences légales et politiques sont également à prendre en compte, avec d’un côté des pays laïques comme la Turquie ou, dans une moindre mesure, l’Algérie et, de l’autre, des pays théocratiques comme l’Iran. Enfin, les traditions ne sont pas les mêmes et s’imaginer qu’il est possible de cibler un musulman de Bosnie comme on cible un musulman du Pakistan n’a pas de sens car les musulmans de ces deux pays ont beau- coup plus en commun avec leurs voisins non-musulmans qu’avec des musulmans des pays éloignés.

La confusion règne dans les esprits occidentaux dès que le mot islam est prononcé et la méfiance est de mise. Les mots comme « islam », « Arabe », « musulmans », « mahométans », « islamisme » sont employés à tout bout de champ sans être pour autant utilisés à bon escient. De même pour l’utilisation des termes : « pays musulman », « pays islamique », « république islamique » ou l’évocation de certaines caractéristiques de l’islam comme la charia*, le djihad, les piliers de l’islam... La méfiance est réciproque comme en a bien témoigné une enquête du Forum économique mondial. Celle-ci a montré que les pays occidentaux comme le Danemark, l’Espagne et les Pays-Bas pensent dans leur très grande majorité que davantage d’interactions entre le monde musulman et le monde occidental serait menaçant, tandis que la Palestine, l’Égypte et la Turquie pensent dans la même proportion que l’Occident n’agit pas en faveur d’une amélioration des relations entre l’Occident et le monde musulman1. Nous allons donc expliciter certains de ces termes.



Qu’est-ce que l’islam ?


L’islam est une religion monothéiste, les personnes pratiquant cette religion s’appellent les musulmans. Le terme « Arabe » fait référence à la population vivant dans le monde arabe, que ses habitants soient musulmans ou non. Une partie non négligeable d’Arabes n’est pas musulmane et professe d’autres religions ou appartient à d’autres Églises, majoritairement chrétiennes (c’est le cas des coptes en Égypte, des maronites, des catholiques ou des orthodoxes au Liban). Même si l’islam est une religion révélée et que la langue de la révélation est l’Arabe, cela ne veut pas dire que tous les musulmans sont des Arabes, ni que tous les Arabes sont musulmans. Souhaiter par exemple une joyeuse fête de l’Aïd* à tous les Arabes d’Égypte (qui est le plus grand pays arabe au monde) peut être très mal vécu par la communauté copte qui revendique son arabité d’un côté et son appartenance à une religion non islamique de l’autre. La majorité des musulmans ne se trouve pas dans les pays arabes. Elle se trouve en Asie et en Afrique subsaharienne et adresser ses salutations en arabe à des Indonésiens ou des Ivoiriens ne sera généralement ni compris ni accepté. À titre d’exemple, le World Halal Forum qui s’est tenu à Kuala Lumpur en Malaisie en mai 2008 utilisait l’anglais comme langue officielle puisqu’il y avait mille trois délégués venus du monde entier. Lorsqu’une voix s’est élevée pour réclamer que les délibérations se fassent en arabe, le rejet des représentants des pays non arabes a été unanime et la demande s’est retrouvée très minoritaire.





Le mot « islam » ne doit pas être confondu avec islamisme car l’islamisme fait référence à un courant de pensée et des mouvements qui visent à organiser la société autour d’une stricte application de l’islam et prévoit d’imposer l’islam par le combat (que ce combat soit politique ou militaire). L’islam est une religion relativement jeune puisqu’il s’agit chronologiquement du dernier des trois monothéismes se référant à la même origine (après le judaïsme et le christianisme). C’est une religion monothéiste car elle croit en un seul Dieu appelé Allah et cette religion a été révélée au dernier des prophètes appelé Mohammed ou Mahomet. C’est pourquoi autrefois on appelait les musulmans des mohammé- dains ou des mahométains, c’est-à-dire les partisans de Mahomet. Tous les prin- cipes et les croyances se réfèrent au Livre saint appelé le Coran, qui est constitué de la totalité de la révélation reçue d’Allah par Mahomet. Le Coran représente l’une des deux sources de l’islam avec la Sunna, qui est la somme des actes du Prophète, ses comportements et ses prescriptions. Ces deux sources sont égales en importance et composent la charia, la loi sacrée que les musulmans doivent observer quelle que soit la loi séculière du pays dans lequel ils vivent.

L’islam est aussi une culture et un mode de vie car beaucoup de prescriptions présentées dans la Sunna et dans le Coran ont un impact direct sur le comporte- ment du consommateur, que ce soit le rythme journalier dicté par les cinq prières quotidiennes, ou bien le pèlerinage à La Mecque qui doit être accompli au moins une fois dans sa vie. Par ailleurs, le Coran donne une liste précise d’aliments autorisés, d’aliments interdits, de services financiers acceptables ou pas. Il donne également toute une série de produits ou services classés en trois catégories : ce qui est interdit, ce qui est obligatoire ou ce qui est souhaitable.

Au même titre que les autres religions et Églises, l’islam est le théâtre de féroces batailles entre courants. S’il est vrai que les deux courants les plus connus sont le sunnisme et le chiisme, une multitude de branches et mouvements existent comme les khâridjites, les bektashis*, les ahmedis* ou bien les druzes*. Les sunnites représentent la plus grande majorité du monde musulman (70 %) tandis que les chiites représentent une minorité. Toutefois, les chiites sont majoritaires dans un certain nombre de pays comme l’Iran ou le Bahreïn et représentent une très importante minorité en Irak ainsi qu’au Koweït (environ 30 % de la population). La différence entre les deux courants tient à la reconnaissance du successeur de Mahomet. Alors que les chiites reconnaissent Ali, un membre de la famille du Prophète, les sunnites considèrent que n’importe qui peut être le chef des musulmans du moment que ceux-ci l’acceptent. Selon eux, il n’y a pas de légitimité dynastique dans l’islam. Malgré toutes ces divisions qui ont conduit ou conduisent encore à des affronte- ments sanglants, le concept de l’oumma est toujours aussi important.

Qu’est-ce qu’un pays musulman ?




Comme il n’y a pas de définition communément acceptée de ce qu’est un pays musulman, nous allons plutôt faire référence aux marchés musulmans qu’ils soient dans des pays où la majorité de la population est musulmane ou non. Il est clair que l’environnement politique aura une incidence décisive sur la désignation d’un marché musulman et c’est la raison pour laquelle nous allons commencer par l’environnement politique.




Les situations sont extrêmes variables du point de vue constitutionnel1. Dans les États théocratiques comme l’Arabie Saoudite, l’Iran ou le Pakistan, toute vie publique est organisée autour de la religion. Le préambule de la Constitution pakistanaise de 1973 affirme que « la souveraineté sur l’ensemble de l’Univers appartient à Allah le Tout-Puissant à lui seul... » Non seulement les constitutions des États musulmans reconnaissent en général le rôle suprême de l’islam, mais elles font également quelquefois référence à la branche précise de l’islam qui y est professée.




C’est très précisément le cas de l’Iran avec l’École duo décimaine djafari, même si les autres courants sont respectés. La Constitution iranienne détaille d’ailleurs les autres religions autorisées dans le pays : les religions juive et chrétienne et le zoroastrianisme2. Dans ce genre de pays, il est alors obligatoire d’obéir aux principes de l’islam pour les jours et les heures d’ouverture des magasins, l’utilisation obligatoire d’ingrédients halal dans les produits, l’interdiction d’utiliser un certain nombre de techniques promotionnelles ainsi que des canaux et réseaux de distribution inadaptés. Le soutien de l’État est total car les dirigeants politiques prêtent serment de défendre la Constitution1. Comme les principes islamiques sont cités dans la Constitution, il est de leur devoir de les défendre.


L’Arabie Saoudite stipule que les sources de pouvoir sont le Saint Coran, la Sunna du Prophète, la Choura* (consultation) et la charia. Dans ce pays, non seulement la référence à l’islam est de la plus haute importance, mais le royaume a également le devoir de contrôler d’autres activités religieuses étiquetées comme prosélytes (sous-entendu activité anti-islamique). L’Arabie Saoudite n’autorise pas les activités des autres Églises et impose la pratique de la da’wa (invitation à adhérer à l’islam), en particulier parmi les travailleurs étrangers vivant en Arabie Saoudite. Celle-ci est également très active à l’étranger, non seulement concernant la propagation de l’islam en général, mais aussi la propagation d’une variante spécifique appelée « wahhabisme ».



Le rôle de la Yadim

La fondation Da’wah islamique de Malaisie (Yadim) a été fondée en 1974 pour organiser et coordonner les actions des organisations de la da’wa dans le pays et les aider à fonctionner de manière à soutenir la promotion de la oumma, à améliorer la compréhension de l’islam afin que la communauté islamique puisse jouer un rôle actif en faveur du développement et du progrès1. La Yadim a été créée pour promouvoir l’islam en tant que religion de vérité et de justice et inciter plus de gens à se convertir. La Yadim encourage la jeune génération à participer à la da’wa grâce aux activités de la Yadim de service public, et pour former des missionnaires islamiques et des prédicateurs charismatiques.




La Yadim est soucieuse d’entretenir son image respectable quand elle travaille de concert avec plusieurs ONG comme la Malaysia Islamic Charity Council (MAIM) ou bien avec la Malyasia Ulama and Scholar Forum (NUIM), un forum visant à l’excellence de la recherche en matière islamique. Enfin, la Yadim agit en étroite coopération avec le Conseil consultatif des femmes musulmanes de Malaisie.




Le Pakistan a mis en place une structure similaire avec la division Dawah au sein du ministère des Affaires religieuses. Selon ses objectifs, « la Dawah et la Ziarat Wing sont un département au sein du ministère des Affaires religieuses visant à entreprendre des activités définies dans le domaine de Tabligh, c’est-à- dire la propagation de l’islam dans les pays étrangers par la diffusion des connais- sances de l’islam au moyen de l’envoi de la littérature religieuse, la fourniture d’une assistance financière aux institutions dans le besoin et le renforcement des relations fraternelles entre les pays musulmans fondés sur l’unité islamique et à promouvoir des relations amicales entre les frères musulmans2 ».




À côté des pays musulmans qui œuvrent à la promotion des principes islamiques, certains pays avec une forte population musulmane ont pourtant officielle- ment gommé toute référence à l’islam dans la Constitution et le nom du pays.








C’est le cas de la Turquie ou du Sénégal où l’attachement aux principes d’un État laïque est très fort. En Turquie, la Constitution de 1982, article 2 stipule que « la République de Turquie est une république démocratique, laïque et sociale régie par la primauté du droit, en tenant compte des concepts de paix, de solidarité nationale et de justice; elle respecte les droits de l’homme; reste fidèle au nationalisme d’Atatürk ». L’article 1 de la Constitution sénégalaise précise que « la République du Sénégal est un État laïque ». Un certain nombre de pays musulmans sont soit laïques, soit insistent sur la séparation entre la religion et l’État. Parmi ceux-ci on peut citer le Mali, le Tchad, le Cameroun ou l’Indonésie. Dans ces conditions, si une entreprise ne veut pas vendre des produits halal ou ne respecte pas les temps de prière pour ses employés, la seule sanction ne peut venir que des consommateurs. Théoriquement, l’État qui applique la Constitution et la séparation entre l’État et les religions, ne doit pas intervenir, néanmoins la pression du public peut être extrêmement préjudiciable pour mener à bien des opérations dans ces pays. Ce fut le cas en Indonésie lors du lancement du premier numéro d’une version locale du magazine Playboy en 2006. Comme le gouverne- ment n’a pas voulu intervenir, les organisations islamiques ont lancé un boycott du magazine.

Reconnaître que l’islam est une religion d’État ne veut pas dire nécessairement qu’il y aura établissement d’un État islamique. Très souvent, des États musulmans se contentent d’indiquer que la majorité de leurs habitants professe l’islam. Les constitutions mettent l’accent sur la liberté individuelle (dans le sens de la liberté de créer une entreprise, d’une concurrence loyale, sans aucune connota- tion religieuse ou de discrimination nationale dans les affaires).

Pratiquement tous les pays musulmans reconnaissent la séparation des pouvoirs qui, au moins en théorie, met tous les acteurs économiques au même niveau.



CHAPITRE2 : Environnement juridique et économique


Outre le volet politique, l’environnement marketing est toujours complété par un volet juridique et un volet économique. Alors que le volet économique s’atta- che à analyser le potentiel d’un marché, l’environnement juridique s’attache surtout à vérifier qu’il n’y ait pas de barrières juridiques.




Environnement légal

L’environnement légal des pays islamiques est issu de la charia (droit sacré) et du fiqh (jurisprudence). Contrairement aux pays occidentaux qui dérivent leurs lois de la volonté populaire, la loi est dans un pays islamique dictée par Dieu.

La charia

Le mot arabe charia réfère aux lois et au mode de vie prescrit par Allah pour ses sujets. La charia traite de l’idéologie et de la foi, des comportements et des manières de vivre au quotidien1. Elle regroupe un ensemble de règles de conduite observées par les musulmans dans les domaines du culte, de la finance, de la vie conjugale. Elle liste également les infractions pénales. La charia se compose du Coran et la Sunna du Prophète. Le Coran est la parole directe d’Allah, elle est la source première des directives et des décisions. Les versets du Coran qui ont un contenu juridique sont appelés ayat al-ahkam. Une discipline spécifique connue sous le nom de Ahkam al-Qur’an a été créée visant à enseigner comment les lois sont dérivées des versets du Coran. La Sunna du Prophète est la deuxième source d’orientation et de décisions. La Sunna est inspirée par Allah, mais relayée par les mots et les actions du Prophète. La Sunna confirme les décisions du Coran, détaille certains concepts, lois et questions pratiques qui sont brièvement mentionnés dans le Coran. Elle fournit également des éclaircissements sur des questions qui n’ont pas été explicitement mentionnées dans le Coran.


Au Nigeria, le sud du pays est en grande partie chrétien et les États du nord sont en majorité musulmans. En octobre 1999, le gouverneur de l’État de Zamfara au nord-ouest du pays, Alhaji Ahmed Sani, a adopté la charia en même temps que onze des trente-six États du Nigeria (tous à majorité musulmane). Il a interdit la prostitution ainsi que la vente et la consommation d’alcool. Il a égale- ment encouragé les hommes à porter la barbe et a exigé la séparation des hommes et des femmes dans les transports publics. Sur une affiche, les règles de la charia ont été disposées sur le côté gauche et, en regard, à droite, ont été placées les conséquences pour ceux qui ne respectent pas ces règles.

Ce n’est pas le seul cas de radicalisation et d’introduction de la charia. L’Indonésie est déjà un État musulman, mais aussi une fédération d’États distincts et, dans certains d’entre eux, tels que Aceh, la charia est imposée, tandis que dans les principales îles comme Java ou Bali ce n’est pas le cas. En Kaletan, dans un État de la fédération malaisienne, lorsque le Parti Islami a remporté les élections en 1990, les épiceries ont été sommées de mettre en place des entrées séparées pour les hommes et les femmes, tandis que les filles ont été interdites de participation aux récitations du Coran. La plus stricte application de la charia a été instaurée en Afghanistan sous le régime des Taliban. Les « étudiants en religion » ont émis seize commandements et énuméré les biens déclarés comme non islamiques et donc interdits. Parmi eux, la télévision était en première place. Elle a été interdite et les Afghans étaient tenus de rapporter leurs postes de télévision, les magnétoscopes ainsi que les caméras parce qu’ils relevaient de l’interdit no 8 contre les images. Toutefois, les Taliban n’ont pas oublié de percevoir des impôts sur les postes de télévision qui traversaient en contrebande l’Afghanistan en route vers le Pakistan. Selon la Pakistan Electronics Manufacturers Association, environ cinquante mille postes de télévision par an ont été passés en fraude sous le régime taliban. Les taxes perçues ont représenté l’une des plus importantes sources de revenus du régime1. Depuis la présence américaine, les magasins de vente des téléviseurs se multiplient à Kaboul.




Les règles de la charia

Les règles de la charia pour toutes les actions quotidiennes sont de cinq ordres :
ce qui est prescrit ;

ce qui est recommandé ;

ce qui est admissible ;

ce qui est à éviter ;

cequiestinterdit.
Les cinq piliers de l’islam prescrivent l’obligation de devoirs pour les musul- mans, ce qui aura une grande importance dans le marketing :
1. la croyance en un Dieu unique et en Mahomet, son Prophète (Iman)2 ; 2. l’observation de prières quotidiennes (salah*)3 ;



3. l’aumône aux nécessiteux (la zakat*)1 ;


4. l’auto-purification par le jeûne (saoum)2 ;
5. le pèlerinage à La Mecque pour ceux qui sont en mesure de le faire (hadj)3.

On compte en fait trois types de relations entre l’État et l’islam dans les pays musulmans : lorsque la législation est soumise à la charia, lorsque la législation est inspirée de la charia et lorsque la législation est séparée de la charia.





➤ La charia en tant que loi imposée

Dans ce cas, lorsque la législation est soumise à la charia, l’état de droit n’existe pas au sens occidental à savoir que le pouvoir législatif doit être séparé de la reli- gion. La loi divine est imposée d’en haut et tous les autres actes positifs doivent se conformer à la loi divine. C’est le cas en Arabie Saoudite, en Iran, au Soudan ou au Pakistan. L’origine de la loi en Arabie Saoudite est la charia (le Coran et la Sunna), avec une choura (consultation), tandis que l’ijtihad* (interprétation) est fondée sur le Coran et la Sunna. Le cas de l’Iran y ressemble fort avec les mêmes principes fondamentaux (charia et choura), à cette exception près que la constitution iranienne a été votée, alors que les principes religieux en Arabie Saoudite ne sont pas votés. Le cas du Soudan va plus loin encore car son Code pénal est directement dérivé de la charia, précisant la peine qualifiée de hudud* et de châtiment connu sous le nom de qisas* qui ressemblent à la loi du talion.

➤ La législation inspirée par la charia

Cette inspiration n’est ni absolue ni générale. Très souvent, les États musulmans se contentent de mentionner que la législation est inspirée par la charia sans donner de plus amples explications. Il arrive que l’État ne fasse pas mention de la charia dans sa constitution et l’applique néanmoins, comme dans le cas de l’Algérie, où le Code de la famille promulgué en 1994 se réfère au statut personnel des citoyens et réintroduit la polygamie, interdit le mariage entre musulmans et non- musulmans, de même que l’adoption. De manière générale, la mention de la charia comme principale source d’inspiration pour la législation dans un pays prévoit une certaine marge d’interprétation, car, dans cette deuxième catégorie de pays, il n’existe pas de cas où la charia est l’unique source de droit.


➤ Législation séparée de la charia

De nombreux États musulmans ne font absolument pas mention de la charia dans leurs constitutions. C’est le cas en Algérie, au Sénégal et en particulier en Tunisie et en Turquie. Même si une référence à l’islam est présente dans la constitution tunisienne, la quasi-totalité du Code civil fait référence aux règles issues de sources occidentales et les tribunaux religieux n’ont pas leur mot à dire.

➤ Arbitrage

Une mention spéciale doit être faite à l’arbitrage parce qu’il a une grande importance dans le règlement de différends commerciaux. L’arbitrage (tahkim) est reconnu par la charia comme une méthode de règlement des différends puisque le Coran y fait référence1. La licité (caractère de ce qui est conforme au droit) de l’arbitrage est incontestée par les quatre principales écoles sunnites et tend à s’imposer dans les pays à majorité musulmane tout comme dans les pays à minorité musulmane comme c’est le cas au Canada. Dans la province de l’Ontario (où sont concentrés plus de 60 % des six cent cinquante mille musulmans vivant au Canada), un rapport de 2004 établi par l’ancien procureur général du Canada propose que les musulmans canadiens utilisent un règlement à l’amiable extraju- diciaire calqué sur une pratique existante, celle des juifs qui règlent certains de leurs différends dans le cadre des tribunaux rabbiniques (Beth Din)2. Ce rapport représente le point d’orgue d’une controverse sur les possibilités d’utiliser la charia pour certains différends entre musulmans. La Société islamique d’Amérique du Nord Canada et les imams au Canada1 qui étaient en faveur d’une telle législation s’opposaient au Conseil canadien des femmes musulmanes2 et au Congrès musulman canadien3 qui sont contre l’introduction de la charia dans le droit canadien. Quant à la Grande-Bretagne, la déclaration de Rowan Williams, l’archevêque de Canterbury pour qui l’adoption de la charia en Grande-Bretagne est inévitable, a ouvert le débat. « Il est possible de trouver ce qui serait un arrangement constructif avec certains aspects de la loi islamique comme nous le faisons déjà avec des aspects d’autres lois religieuses4. » Il fait référence aux cours d’arbitrage des juifs orthodoxes, mais sa déclaration a fait les titres de la presse anglaise.


Une partie de la charia est déjà acceptée en Grande-Bretagne car si les mariages polygames y sont interdits, ceux contractés dans les pays où la polygamie est autorisée comme le Nigeria, le Pakistan ou l’Inde sont validés. Au titre du regroupement familial, il est possible de faire venir jusqu’à quatre épouses (dans le cas musulman) et de percevoir des allocations familiales pour chacune d’entre elles. Le nombre de mariages relevant de cette catégorie est faible, quelques centaines tout au plus, mais c’est la différence de traitement avec les autres sujets britanniques qui suscite un certain nombre d’interrogations.






Environnement économique1

Selon Jean-Louis Guigou, les économies musulmanes accuseraient un retard par rapport aux pays occidentaux et par rapport aux économies émergentes de la même zone. Pour lui, ce retard est dû à la pression démographique, qui rendra nécessaire la création de 100 millions de nouveaux emplois, ainsi qu’aux projets de coopération euroméditerranéenne de libre-échange qui forcent encore plus les entreprises locales à se confronter à la concurrence occidentale2. Les économies musulmanes sont extrêmement diverses. Il y a des pays riches en pétrole et des pays sans matières premières. Les musulmans du Golfe par exemple, n’ont rien à voir avec les musulmans de Bosnie-Herzégovine en termes de pouvoir d’achat. Comme il n’existe pas de marché commun musulman ni de monnaie commune ou de zone de libre-échange pour tous les pays musulmans, il est difficile de parler d’une économie musulmane. Au Forum économique mondial de Davos en 2004, les dirigeants économiques du monde arabe ont reconnu que leurs économies subissaient un ralentissement non pas à cause de facteurs politiques, mais à cause d’un manque de compétences en matière de gestion3.

L’étude de l’environnement économique est primordiale du point de vue commercial, car elle répond à la question suivante : la taille du marché est-elle suffisamment importante pour que l’entreprise accepte de consentir à des efforts pour le conquérir ? Il s’entend que si l’entreprise passe par un importateur-distributeur, elle n’a pas à s’occuper de l’environnement économique puisque c’est l’importateur qui s’en occupe. En revanche, si l’entreprise entend ouvrir une filiale, ne serait-ce que de commercialisation, elle sera obligée de passer par une analyse de l’environnement économique.


Un certain nombre de critères permettent d’étudier l’attractivité d’un marché. Parmi les indicateurs d’évaluation de la taille du marché, le GlobalEdge (division de Michigan State University) donne les indicateurs potentiels de marché pour les pays émergents qui sont listés par la taille du marché, le taux de croissance du marché, l’intensité du marché, la capacité de consommation du marché, les infrastructures commerciales, la liberté économique, la réceptivité du marché et le risque-pays.

Bien sûr, ces données font parfois l’objet de débat car des éléments importants sont absents, tels que l’économie parallèle qui représente une part importante du PIB. En Algérie, par exemple, l’économie souterraine représenterait environ 34 % du PIB1. Seulement 1 % de la population du Pakistan (sur un total de 160 millions de personnes) paie l’impôt sur le revenu, en raison d’une fraude importante. Les chiffres sont donc à prendre avec précaution. Quelques données attirent toutefois l’attention. Selon la Banque des règlements internationaux, les pays de l’Opep (parmi lesquels les pays musulmans représentent une forte majo- rité) ont reçu 650 milliards de dollars de 1999 à 2006, beaucoup plus que les 400 milliards reçus entre 1979-1982, au cours du deuxième choc pétrolier.

Le GlobalEdge présente les pays émergents, dont certains pays musulmans : Turquie, Égypte, Malaisie, Arabie Saoudite et Pakistan. L’intérêt de l’indice défini par le GlobalEdge est qu’il utilise une péréquation afin de classer les pays selon un indice composite. L’étude GlobalEdge vise à aider les entreprises à comparer les marchés émergents les uns avec les autres grâce aux indicateurs cités plus haut. Les indicateurs sont classés sur une échelle de 1 à 100, et ils sont ensuite pondérés pour en donner un indice composite final. Le tableau qui en résulte contient les indices et les classements de chaque pays pour chacun de ces indica- teurs, ainsi que l’indice final. Trois nouveaux pays ont été ajoutés à l’édition 2007 : le Pakistan, l’Arabie Saoudite et Taïwan (voir tableau en annexe 1).

Dans une analyse réalisée pour le Crédit Agricole en 2005, Sylvain Laclias a tenté de faire une prévision de croissance pour les principaux pays du Moyen- Orient, à savoir l’Arabie Saoudite, la Turquie, l’Iran et l’Égypte. Il utilisait une série d’indicateurs allant du taux de croissance au pourcentage des investissements privés, la pression de l’inflation, la capacité de créer de nouveaux emplois, etc. Ses conclusions montrent que la Turquie connaîtra le meilleur taux de crois- sance dans les dix prochaines années (entre 4,5 % à 5 % par an), suivie de l’Égypte et de l’Iran. L’Arabie Saoudite serait la dernière de la liste1.


Mais il convient de relativiser car même dans les pays pauvres ou des pays rela- tivement pauvres au vu des indicateurs économiques, des opportunités existent pour les entreprises occidentales. Procter & Gamble a par exemple décidé de mettre l’accent sur la conquête des marchés considérés comme pauvres puisque les marchés « riches » sont saturés. Le géant américain a consacré 30 % de son budget recherche et développement (qui représente 1,9 milliard de dollars annuels) aux pays à faible revenus (ce qui représente une augmentation de 50 % en cinq ans)2. L’important n’est pas de savoir si un village a assez d’argent pour acheter des services téléphoniques, mais combien d’argent le village peut gagner si les services téléphoniques sont mis à sa disposition. Les villageois trouveront l’argent pour payer le service de téléphonie s’ils peuvent en tirer quelque chose. Dans les pays à faible revenu, le cycle de vie du produit n’est pas le même que dans les pays « riches » et les générations de produits ne suivent pas un rythme séquentiel. Il est possible de passer directement de la télévision en noir et blanc aux écrans plasma dernier cri, tout comme d’une offre téléphonique sommaire à des téléphones portables de troisième génération.

Dans toutes les analyses économiques, les données démographiques et celles du pouvoir d’achat sont primordiales. Les entreprises ont besoin d’un nombre critique de clients et d’un minimum de pouvoir d’achat afin de justifier la présence en propre, en particulier sous la forme de filiales. Il est évident que pour les produits de grande consommation (papeterie, rasoirs, boissons gazeuses, etc.) les données démographiques sont plus importantes que le pouvoir d’achat, car le prix de ces biens n’est pas très élevé et ces produits sont accessibles à un grand nombre d’habitants. Nous allons donc étudier en détail les indicateurs démographiques.

Il y a plus d’1 milliard de musulmans dans le monde ce qui en fait la deuxième religion du monde, devant l’Église catholique, mais derrière les chrétiens dans leur ensemble. La population musulmane connaît le plus fort taux de croissance. Selon l’Encyclopédie chrétienne mondiale, les catholiques étaient 20 % plus nombreux que les musulmans à la fin du XIXe siècle, et en 2000, le nombre total des musulmans a dépassé les catholiques (1,2 milliard contre 1,06 milliard)3.





L’islam est une religion universelle, présente sur tous les continents, et le dilemme pour les entreprises occidentales est de savoir quelle stratégie utiliser pour atteindre cette population



Environnement démographique

Le marketing utilise les données démographiques afin de répondre à une question fondamentale : combien de consommateurs avons-nous dans un pays donné ? Il n’est pas simple de répondre à cette question car les statistiques donnent en général le nombre de personnes dans un pays donné, mais pas les chiffres par confession. Bien sûr, il y a des pays clairement désignés comme des





« États musulmans » dont les citoyens se trouvent être en grande partie musul- mans comme le Pakistan, le Qatar ou le Maroc. Le royaume d’Arabie Saoudite, la Somalie ou la Mauritanie font valoir que 100 % de leur population est musul- mane. Aucun débat n’est permis à ce sujet et les entreprises sont priées d’en tenir compte. Il est évident que les sociétés spécialisées dans la vente d’alcool ne peuvent ouvertement vendre des boissons alcoolisées dans ces pays. D’autre part, il y a des pays où les musulmans représentent une légère majorité absolue. C’est le cas du Cameroun ou de la Malaisie. Même si les musulmans y sont majoritai- res, les entreprises ne peuvent pas considérer ces pays comme homogènes du point de vue religieux. Elles doivent adopter des plans marketing différents selon les communautés religieuses vivant dans ces pays. Cela signifie que les boissons alcoolisées peuvent être trouvées en Bosnie-Herzégovine ou au Liban même si les musulmans représentent une majorité relative.

Enfin dans des pays comme l’Italie, le Brésil ou le Japon, les minorités musul- manes représentent un faible pourcentage de la population. Toutefois, il arrive que ces minorités représentent, en valeur absolue, une population supérieure à la population totale de certains pays musulmans. Dans un pays comme la France, où les musulmans représentent moins de 10 % de la population, c’est tout de même plus de 5 millions de personnes qu’il faut servir, notamment pendant la période du ramadan. Toutes les enseignes sont présentes sur le marché, notamment Casino, qui est allé le plus loin en la matière.

Dans ce chapitre, nous ferons référence aux pays composés à plus de 50 % de musulmans, à une exception près, l’Inde (qui est le deuxième plus grand pays musulman du monde). Nous avons également ajouté les États-Unis et certains autres pays occidentaux, où vivent d’importantes communautés musulmanes, mais nous allons naturellement nous concentrer beaucoup plus sur les pays musulmans eux-mêmes.
Les différents modèles d’intégration

Il est important de savoir si ces populations sont intégrées ou non, car cela engen- drera un marché unique ou hétérogène. Il y a en général trois modèles d’intégra- tion des populations musulmanes immigrées en Europe.

Tout d’abord, le modèle des « travailleurs invités » ou gastarbeiter, où les migrants sont réputés rester temporairement dans un pays européen et retourner dans le pays d’origine par la suite. Il a été utilisé principalement en Allemagne, mais aussi en Autriche et en Suisse.





Le deuxième modèle est le modèle de l’assimilation, où les migrants sont perçus comme étant une population permanente, et, par conséquent, des stratégies sont mises en œuvre pour leur intégration individuelle dans la culture de l’État. Le communautarisme ethnique ou religieux est donc découragé. La France est le principal exemple d’un tel cas, qui entretient le principe d’une égalité de droit et ne tolère pas la formation de communautés fortes et distinctes dans la société française.

Troisième modèle, celui de la préservation des particularités ethniques et religieuses. Dans un certain sens, le pluralisme est institutionnalisé au niveau de l’État avec une coexistence des communautés distinctes. Ce modèle tend à être suivi aux Pays-Bas, dans les pays scandinaves et au Royaume-Uni. Il a été considéré comme le plus abouti de tous les modèles et plébiscité par les communautés immigrées car il préserve leurs traditions et leurs coutumes. Toutefois, après l’attentat dans le métro de Londres en 2005 et l’assassinat de Pim Fortyn en 2002, l’assassinat de Theo Van Gogh en 2004, et l’exil d’Ayaan Hirsi Ali en été 2005, la situation a changé aux Pays-Bas. L’islamophobie progresse, notamment avec la sortie, en mars 2008, d’un montage d’images sous le nom de Fitna (la « discorde » en arabe) par Geert Wilders, député néerlandais du Parti pour la Liberté (PVV). Il voulait interdire le Coran aux Pays-Bas car selon lui, ce livre est « fasciste » au même titre que Mein Kampf. En réponse, des manifestations contre l’auteur du film Fitna ont été organisées et des films prônant la tolérance religieuse ont été réalisés. Cette deuxième voie est suivie par des producteurs indo- nésiens avec la sortie du film Ayat-Ayat Cinta qui raconte l’histoire d’amour d’un jeune musulman pour deux femmes, dont l’une est musulmane et l’autre chrétienne. Ce film a rencontré un immense succès puisque plus de 4 millions de personnes ont vu le film.

Dans un grand nombre de pays occidentaux, il n’est ni obligatoire ni même permis de demander l’appartenance religieuse lors du recensement de la population parce que la religion est considérée comme une affaire privée et ne doit pas être divulguée. Certaines exceptions existent, comme l’atteste le cas de l’Australie. Dans ce pays, une question facultative sur l’appartenance religieuse est incluse dans chaque recensement national depuis 1933, alors que dans les pays comme les États-Unis et la France, il n’est pas permis, dans le cadre du recense- ment national, de faire des statistiques officielles à partir de l’appartenance reli- gieuse. Des données démographiques sur les musulmans doivent donc être obtenues par d’autres sources. Une façon d’obtenir des estimations est de passer par le biais d’enquêtes et de données sur l’immigration qui visent principalement à déterminer si une personne a émigré ou a des racines dans un pays à prédomi- nance musulmane.


➤ Les musulmans en Europe et aux États-Unis

L’islam est la deuxième religion en Europe. Il est important de mentionner qu’il n’existe pas une mais de nombreuses communautés musulmanes qui vivent sur ce continent.

Au Royaume-Uni, qui compte environ 1,6 million de musulmans, les musulmans pakistanais sont le groupe le plus important, suivis des Bangladais. 45 % des musulmans du Royaume-Uni sont nés en dehors de ce pays et moins de 10 % de musulmans viennent de terres arabes. Un million de musulmans vivent dans le Grand Londres.

En Allemagne et aux Pays-Bas, les musulmans turcs prédominent. Les Pays-Bas recensent un nombre considérable de Marocains musulmans et des Surinamais1.

Quant à la France, le chiffre le plus bas avancé est de 4,5 millions de musulmans et comme en Espagne et en Belgique, la plupart d’entre eux sont originaires du Maghreb, avec des minorités turques et africaines. À Bruxelles, la population musulmane augmente fortement et près d’un tiers de la population est musulmane2.

Selon le Financial Times, les musulmans représentent environ 7,5 % de la population française, 3,6 % de la population allemande et 2,5 % de la population britannique3.

Au cours des trois dernières décennies, l’islam est devenu de plus en plus visible dans l’espace public européen. Les mosquées, la nourriture halal, les coutumes musulmanes et la manière de s’habiller sont devenues très courantes dans les pays européens. La population musulmane augmente de manière mécanique en raison d’un taux de fécondité plus élevé et de la politique de regroupement familial qui permet aux populations immigrées de faire venir les membres de leur famille. Enfin, les conversions font également augmenter les chiffres de la population musulmane en Europe. En Allemagne, par exemple, quatre mille personnes se sont converties à l’islam en 2006. Même si le chiffre est faible rapporté à la population totale du pays, il est néanmoins quatre fois plus élevé que le chiffre de l’année précédente. La grande majorité des musulmans nouvellement convertis sont des femmes qui se marient à des hommes musulmans.


➤ Les musulmans dans le reste du monde

Le nombre de musulmans vivants en Chine va de 18 millions de personnes, selon les statistiques officielles1, à 64 millions, chiffre donné par l’Institut islamique de l’information et de l’éducation (www.iiie.net). Les entreprises ne vont pas élaborer les mêmes plans marketing s’il y a 18 millions ou 65 millions de clients potentiels. Quand une entreprise cherche à organiser le pèlerinage à La Mecque des musulmans chinois ou publier des livres islamiques en chinois, il est nécessaire de connaître le nombre de musulmans dans ce pays2.

Il est intéressant de noter qu’il y a cent ans, les trois pays ayant la plus grande population musulmane étaient les pays européens : l’empire britannique (qui détenait l’Inde, le Pakistan, le Bangladesh, le Nigeria, le Soudan, l’Irak et le Koweït entre autres), la France (qui détenait l’Afrique du Nord, l’Afrique occidentale et l’Afrique équatoriale), et enfin l’empire colonial néerlandais (qui comprenait l’Indonésie).

Aujourd’hui, les plus grands pays musulmans sont l’Indonésie, l’Inde, le Pakistan, le Bangladesh et la Turquie. L’Asie dans son ensemble abrite 50 % de la population musulmane totale et si une entreprise s’intéresse aux marchés musulmans, elle devra certainement aller en Asie d’abord, plutôt qu’en Afrique ou au Moyen-Orient (voir annexe 2).

➤ Comment segmenter les populations musulmanes ?
La segmentation des populations musulmanes est une question délicate, parce que la

référence religieuse n’est pas nécessairement le seul critère de différenciation. Le sentiment d’appartenance est trompeur dans le sens où les musulmans aisés peuvent avoir beaucoup plus en commun avec des chrétiens aisés de leur pays plutôt qu’avec des musulmans pauvres de leur pays. Cela est particulièrement vrai quand on utilise la distance hiérarchique chère à Hofstede. L’indice est en effet de 80 % dans le monde arabe, ce qui dénote une forte hiérarchisation de la société1.


En ce qui concerne la définition d’un musulman, il est très simple de répondre à cette question. Toute personne qui professe la chahada est considérée comme musulmane et il n’existe pas de certificat délivré pour cela, excepté lorsqu’il s’agit de faire le pèlerinage à La Mecque. Toutefois, les différentes branches de l’islam s’excluent mutuellement dans certains cas, avec pour résultat des musulmans auxquels cette identité est déniée. La division la plus importante est celle qui sépare les sunnites et les chiites2. Les chiites représentent environ 15 % de la population musulmane totale et certains fondamentalistes sunnites considèrent que les chiites ne sont pas de vrais musulmans mais une sorte d’apostats. En Irak, la division entre chiites et sunnites est poussée à l’extrême et donne lieu à des destructions de mosquées et de sanctuaires comme celui de Askarya de Samara en février 20063.

L’une des caractéristiques de la population chiite est l’existence d’une hiérarchie, qui n’existe pas chez les sunnites. La position la plus élevée parmi les chiites est celle du grand ayatollah, et au-dessous de lui on peut trouver l’ayatollah et Hojat al-Islam* tandis que le mollah* est l’équivalent du prêtre qui garde le contact avec les croyants. Certains ayatollahs ont également le titre de Marja e- taqlid (source d’inspiration). Très souvent, ils se trouvent à la tête de la Hawza, une assemblée de la communauté chiite duo décimaine. La grande majorité des chiites des pays du Golfe provenant de l’Iran et du Liban reconnaissent comme autorité suprême la Hawza de la ville de Najaf en Irak. Des rivalités existent





même parmi les chiites, avec des courants rivaux. 80 % des chiites appartiennent au courant duodécimain et contrairement aux autres groupes chiites, celle-ci reconnaît et respecte les cinq piliers de l’islam.

Les autres communautés (les alaouites* par exemple, qui croient en une trinité composée d’Ali, Mahomet et Salman) sont considérées comme hérétiques par les communautés musulmanes. Ils vivent principalement en Syrie. Un autre groupe chiite, les ismaéliens*, ne reconnaît que les sept premiers imams et rejette « l’imam caché ». Les ismaéliens vivent principalement au Pakistan, en Afghanis- tan et en Inde. Ils sont proches de la communauté des Zaydiyyah* qui vivent au Yémen, des druzes du Liban, et des alévis de Turquie. Pour ce qui est des druzes, de nombreux musulmans croient qu’ils ne sont pas de vrais musulmans, mais qu’ils professent plutôt une religion de leur propre invention. Dans d’autres cas extrêmes, les Druzes sont accusés d’être des hérétiques. Selon les chiffres disponi- bles, les Druzes représenteraient un million de personnes dont 40 %-50 % vivent en Syrie, 30 %-40 % au Liban, 6 %-7 % en Israël, et 1 %-2 % en Jordanie. Au Liban, en Syrie et en Israël, les Druzes sont reconnus comme une communauté religieuse distincte avec leur propre système judiciaire religieux. Comme ils ne respectent pas les cinq piliers de l’islam, il est impossible de consi- dérer qu’un plan marketing qui fonctionne en Arabie Saoudite sera efficace auprès des Druzes. Pour prendre le cas du ramadan par exemple, les Druzes pratiquent en général le jeûne pendant les dix jours avant l’Aïd ul-Adha. En revanche, le respect du jeûne est plus strict puisqu’il n’autorise qu’un repas léger en soirée, ce qui n’est pas le cas des musulmans sunnites.




Marketing générationnel

Le marketing générationnel se fonde sur le principe que les différentes généra- tions ont des comportements dissemblables en termes de demande.

➤ Taux de fécondité

Un facteur important dans l’analyse démographique est la segmentation par âge, elle se base sur les taux de fécondité et l’espérance de vie... Les taux de fécondité des pays musulmans sont très variables : la Bosnie et le Kazakhstan ont des taux inférieurs à deux enfants par femme (la moyenne française est de deux enfants par femme) alors que les taux de fécondité atteignent 7,8 enfants par femme au Niger ou sept enfants par femme en Afghanistan. Il semble que le taux de fécon- dité soit corrélé à la position géographique du pays plutôt qu’à la foi de ses habi-





tants. Les pays d’Afrique subsaharienne, indépendamment de leurs convictions religieuses, ont un nombre très élevé d’enfants par femme (six en moyenne). Selon les Nations-Unies, la population d’Afrique subsaharienne quelle que soit la religion dominante devrait augmenter de 113 % entre 2008 et 2050, suivie par le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord qui devrait connaître une augmentation de 63 % sur la même période alors que des pays d’Asie comme l’Indonésie, le Pakistan ou l’Inde verront leur population augmenter de 27 %. À titre de comparaison, l’Europe accusera une baisse de sa population de 9 %1.

➤ Espérance de vie

Afin d’analyser les marchés futurs et l’évolution de la démographie, nous devons aussi examiner l’espérance de vie. Les résultats sont extrêmement décevants pour les pays musulmans qui sont tout en bas du classement avec une espérance de vie qui ne dépasse pas 45 ans en moyenne. Les pays où l’espérance de vie présente les meilleurs résultats sont la Jordanie (78 ans), l’Albanie (77 ans), le Koweït (76 ans) et la Libye (76 ans). Ces résultats sont meilleurs qu’au Mexique (74 ans), en Chine (71 ans) ou en Russie (66 ans). La conséquence est que, dans certains pays musulmans, plusieurs générations de la même famille cohabitent ensemble. Dans le même temps, les pays musulmans qui ont une espérance de vie élevée ont généralement un faible nombre d’enfants par femme, ce qui réduit la taille d’un marché éventuel consacré aux enfants. En valeur, ces marchés peuvent être intéressants, car la propension à dépenser sera plus élevée par enfant. Nous sommes loin de la situation qui prévalait après la Seconde Guerre mondiale lors- que les pays musulmans sans exception étaient considérés comme pauvres avec un nombre élevé d’enfants par femme et une faible espérance de vie. Aujourd’hui, la majorité des pays musulmans, en particulier sur les terres arabes et en Asie du Sud-Est, ont des taux de croissance modérés, avec un nombre d’enfants par femme assez bas et une espérance de vie similaire à d’autres pays émergents. En conséquence, le marketing générationnel en Jordanie aura plus de similitudes avec le Mexique qu’avec l’Afghanistan.

Le taux d’accroissement de la population a un impact important sur les entre- prises en termes d’investissements et sur le type de produits vendus, car l’offre suit l’évolution démographique. Si la population est vieillissante, l’offre ne sera pas la même que si l’entreprise doit faire face à une population jeune. Par ailleurs, la stratégie industrielle ne sera pas la même. Si L’Oréal, General Motors ou Unilever envisagent la construction d’une usine locale pour répondre aux besoins du pays, les entreprises doivent faire des projections sur l’évolution de la population d’habitants dans quelques années. La taille de l’usine ne sera pas la même si l’on prévoit 90 millions de personnes en Turquie au cours des vingt prochaines années au lieu des 70 millions actuellement. Plus la population augmente et plus les entreprises seront tentées de produire localement, ce qui leur permet d’adapter leurs produits à la demande plutôt que d’exporter des produits plus ou moins standardisés. La seconde conséquence d’un fort taux de croissance de la population concerne des produits et des services associés au contrôle des naissances : la pilule, les préservatifs, les campagnes du planning familial et autres.
CHAPITRE 3 : Le halal way of life


Parler du lien entre marketing et islam revient en grande partie à étudier le halal way of life car il s’agit de l’aspect le plus visible, le plus important et le plus immé- diat des manifestations économiques liées à l’islam. Alors que pour les autres grandes occasions de dépenses que sont le ramadan et le pèlerinage à La Mecque, il s’agit de célébrations et rites limités dans le temps et dans l’espace (espace fami- lial et mosquée pour le ramadan, La Mecque pour le pèlerinage), le halal est lui présent pendant toute l’année et dans presque tous les points de vente alimen- taires. En conséquence, même les non-musulmans sont exposés à une offre deve- nue pléthorique et déroutante. Afin de voir toutes les ramifications du halal nous allons d’abord étudier le concept du halal avant de continuer plus en détail avec la nourriture halal qui représente la composante essentielle de ce mode de vie. Enfin, nous porterons une attention plus particulière à la certification halal et la concurrence à laquelle se livrent les nombreuses agences de certification.
Le concept du halal, quelques exemples

L’islam a prescrit un code d’éthique pour tous les aspects de la vie, y compris les rapports familiaux, l’éducation et la politique, mais sa plus célèbre application est dans le domaine de l’alimentation, des produits pharmaceutiques et des cosméti- ques. Le terme coranique de halal signifie « licite », autorisé selon la charia. Le terme halal a maintenant une signification générique, car beaucoup de musulmans, en particulier dans les pays occidentaux, sont attentifs à la façon de s’habiller, de choisir une banque ou une compagnie d’assurance, ou d’éduquer leurs enfants.


Les musulmans sont censés se conformer à tous ces aspects de la vie dans le cadre d’une forte orthopraxie associée à l’islam dont la principale exigence morale est l’honnêteté. Le mensonge n’est pas toléré, de même que le mensonge par omission. Si une entreprise ne divulguait pas la liste des ingrédients ou bien donnait une fausse liste d’ingrédients, cette attitude serait rédhibitoire pour les consommateurs musulmans. Il existe cependant des interprétations différentes sur ce qui est permis et ce qui ne l’est pas.

Si nous prenons par exemple l’enterrement des musulmans immigrés de première génération dans les pays occidentaux, la question se pose pour savoir si les corps doivent être rapatriés dans le pays d’origine ou non. C’est une question qui n’est pas anodine car l’enterrement en France coûte en moyenne 2 000 euros, alors que le rapatriement dans le pays d’origine fait monter la facture à 3 000 euros minimum. Il y a une forte résistance de la part des musulmans à être enterrés dans leurs pays d’accueil car il existe une pression culturelle pour être inhumé dans le pays, la ville ou le village de naissance. Selon l’IFO (Institut funéraire omniculte), seulement 15 % des musulmans qui meurent en France y sont enterrés, principalement en raison du manque d’espace dédié dans les cimetières français1. Sur son site, l’IFO donne des informations complètes sur la place de la mort dans l’islam et les pratiques mortuaires.

Un autre exemple du halal way of life touche à l’ouverture de certaines installations publiques aux seuls musulmans. Un débat important a lieu aux Pays-Bas sur l’ouverture d’un hôpital réservé aux musulmans avec de la nourriture halal, des imams, des prières et des chambres sans mixité. Cet hôpital devait ouvrir ses portes en 2008 à Rotterdam, une ville qui abrite déjà une université islamique. L’idée de l’hôpital islamique vient, en fait, d’un homme d’affaires catholique prêt à exploiter un créneau innovant pour ce type de services2. Le raisonnement qui sous-tend l’initiative est qu’aujourd’hui 40 % des hôpitaux aux Pays-Bas sont gérés par l’Église catholique ou des églises protestantes. Si les musulmans représentent jusqu’à 7 % de la population totale, ils devraient eux aussi gérer au moins un hôpital, disent ses partisans.





En France, il existe des créneaux horaires à la piscine de Strasbourg consacrés uniquement aux femmes. Même si ces créneaux horaires ne ciblent pas unique- ment les musulmanes, la majorité des femmes qui les fréquentent sont en fait des musulmanes. La ville bénéficie toutefois d’un statut particulier lié au concordat qui régit les relations entre les pouvoirs publics et les régions en Alsace-Lorraine, où ne s’applique pas la loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État. Ce qui n’est pas le cas de Sarcelles, de Lille ou de la petite commune de La Verpillière dans l’Isère où l’on a renoncé aux horaires aménagés spécialement pour les femmes à la piscine municipale en juin 2008. Il n’est pas aisé de faire la distinction entre des demandes motivées par l’islam et des demandes motivées par la défense des femmes. Réserver des piscines ou des autobus aux femmes est quel- que chose qu’on retrouve également au Mexique et au Japon1.

C’est dans le domaine de l’éducation que l’avancée est la plus importante, notamment en Allemagne. En 2008, la Conférence sur l’islam (qui ressemble au CFCM français) s’est prononcée pour l’introduction d’un cours de religion isla- mique dans les écoles publiques allemandes. Il s’agit en fait de réparer une injustice, de tels cours existant déjà pour les catholiques, les orthodoxes, les protestants et les juifs.




Qu’est-ce qu’un produit halal ?

À l’instar de la prière et du jeûne, la nourriture est aussi une question de culte. Un musulman mange pour sa survie, pour se ménager et être en bonne santé afin de servir Dieu de la meilleure façon qui soit et, à son tour, faire de bonnes actions à d’autres personnes. À cet effet, un musulman doit manger des aliments bons, sains et halal. La même attention devrait prévaloir lorsqu’un musulman utilise les produits pharmaceutiques et cosmétiques.

Suivre ce mode de vie n’est pas toujours facile, surtout dans les pays occidentaux, parce que dans le traitement des produits alimentaires, des produits pharmaceutiques et des cosmétiques, des aliments, des ingrédients ou des additifs peuvent provenir de diverses sources et notamment de sources définitivement illicites (haram).

Il existe également une autre catégorie de produits, les mushbooh* et les musulmans ne savent pas toujours comment se comporter face à eux. Ce sont des produits ou composants dont le statut est douteux ou discutable. Les musulmans qui sont stricts à ce sujet rejettent tous les articles mushbooh alors que d’autres les acceptent. C’est un problème important puisque, selon Salim Sumar de l’université de Westminster, les résultats des enquêtes conduites au Royaume- Uni montrent qu’entre 12 % et 15 % des produits considérés comme halal contiennent des éléments (notamment d’origine animale) qui ne sont pas mentionnés sur la liste des ingrédients1.


• La première condition pour qu’une nourriture soit appelée halal est qu’elle soit d’origine licite. Les produits licites englobent non seulement les articles non interdits, mais aussi le fait que les articles soient acquis légalement, et non par le vol, la tricherie, etc. Dans les pays de langue arabe, le terme halal est utilisé pour décrire quelque chose d’admissible en vertu de la loi islamique, contrairement à haram, qui est interdit. La permission ne concerne pas seule- ment les aliments mais également les comportements, les discours, les vêtements et la mode. Dans les pays non arabophones, le terme est le plus communément utilisé dans le contexte plus limité de lois alimentaires, en particulier lorsque la viande et la volaille sont concernées, mais il peut être utilisé dans un sens plus général aussi. Sur le site de l’Organisation islamique pour l’alimentation et la nutrition d’Amérique (IFANCA), le terme halal concerne essentiellement les produits alimentaires, les produits à base de viande, les produits cosmétiques, les produits de soins personnels et les ingrédients alimentaires2.

• La seconde condition pour qu’un aliment soit halal est qu’il soit bon, pur et sain (Tayyib). Ce terme a le sens d’agréable, de charmant, de délicieux ou de sucré en plus d’être pur. Le Coran insiste sur les liens physiques et spirituels de l’homme.

Il existe une autre injonction générale sur l’alimentation, il s’agit de l’interdiction de l’excès3 (ce qui a toute son importance au moment du ramadan). Dans un monde en perpétuel bouleversement, nous assistons à une explosion de sites web visant à éclairer les croyants. Il est banal de dire que les musulmans dans les pays occidentaux sont un peu perdus, mais la demande d’information religieuse se développe également dans les pays musulmans comme l’Égypte. Les musulmans utilisent tous les moyens de communication (téléphone, Internet, télévi- sion par satellite) afin d’obtenir les réponses appropriées. Les questions sont très diverses : quel genre de musique a-t-on le droit d’écouter (le rock and roll est-il haram ?) ? mettre du vernis à ongles est-il autorisé ou pas ? Le fait qu’il soit possi- ble d’interagir avec des universitaires grâce à Internet, facilite et augmente la sollicitation de conseils1. D’autres services sont également disponibles, tels que la ligne d’assistance téléphonique islamique El-Hatef el-Islami qui propose d’obte- nir des fatwas personnalisées. Ce service, très populaire en Égypte, permet aux gens, en particulier aux femmes de poser une question anonyme et d’obtenir une réponse de la part d’un savant de la mosquée Al-Azhar.




Liste des produits autorisés

Pour répondre à cette question, il faut se référer à la source principale, le Coran. Celui-ci dresse la liste de ce qui est interdit et de ce qui ne l’est pas dans les deux sourates suivantes :

« Certes, Il vous est interdit la chair d’une bête morte, le sang, la viande de porc et ce sur quoi on a invoqué un autre que Dieu. Il n’y a pas de péché sur celui qui est contraint sans toutefois abuser ni transgresser, car Dieu est Pardonneur et Miséricor- dieux3. »

« Vous sont interdits la bête trouvée morte, le sang, la chair de porc, ce sur quoi on a invoqué un autre nom que celui de Dieu, la bête étouffée, la bête assommée ou morte d’une chute ou morte d’un coup de corne, et celle qu’une bête féroce a dévorée – sauf celle que vous égorgez avant qu’elle ne soit morte. [Vous sont interdits aussi la bête] qu’on a immolée sur les pierres dressées, ainsi que de procéder au partage par tirage au sort au moyen de flèches. Car cela est perversité... Si quelqu’un est contraint par la faim, sans inclination vers le péché... alors, Dieu est Pardonneur et Miséricordieux4. »

Les produits suivants sont halal :
• lelait(devache,debrebis,dechameauetdechèvre); • lemiel;

• le poisson;




lesplantesquinesontpastoxiques;

les légumes frais et surgelés ;

les fruits frais ou secs ;

les noix et graines ;

descéréalescommeleblé,leriz,leseigle,l’orge,l’avoine,etc.;

les animaux comme les vaches, les moutons, les chèvres, les chevreuils, les poulets, les canards, et le gibier à plumes. Pour ce qui est des animaux, il ne suffit pas d’être dans la liste des animaux autorisés pour être déclaré halal. C’est une condition nécessaire mas non suffisante. Il faut que l’animal autorisé soit sacrifié de manière appropriée pour être halal.
➤ L’alimentation halal
Pour évaluer la taille potentielle d’un marché halal, il s’agit d’abord de discuter des variables. Le Conseil de développement thaïlandais pour le compte des entre- prises de ce pays a identifié sept variables pour quantifier le marché halal :

la situation économique du pays et sa croissance économique;

le nombre de musulmans et le nombre de musulmans occupant un travail dans le pays;

les infrastructures (transport et logement) ;

les matières premières pour la fabrication de la nourriture halal;

la technologie disponible pour la production de la nourriture halal;

l’acceptation des consommateurs ;

le soutien politique ou l’obstruction décidés par le gouvernement.
En combinant toutes ces données, le Conseil arrive à dégager trois groupes de pays :

les pays ayant de bons résultats économiques, qui sont membres de l’OCI et qui ont une forte population musulmane (Arabie Saoudite, Turquie, Émirats arabes unis, Koweït, Indonésie, Malaisie, Pakistan, le Bangladesh, l’Algérie et le Nigeria);

les pays avec beaucoup de musulmans et qui sont membres del’OCI(Indonésie, Pakistan, Bangladesh, Nigeria, Turquie, Égypte, Iran, Soudan, Algérie, Maroc);

les pays où les entreprises disposent des ressources nécessaires pour la fabrica- tion de la nourriture halal (Algérie, Égypte, Indonésie, Iran, Jordanie, Liban, Malaisie, Arabie Saoudite, Sénégal, Surinam, Tunisie et Turquie).






De cette liste, il est facile de séparer les pays qui importent des aliments halal et ceux qui les exportent. Le Top 5 des priorités pour un fabricant d’aliments halal est donc le suivant : Arabie Saoudite, Malaisie, Indonésie, Algérie et Égypte.

L’Arabie Saoudite est habituellement en haut de la liste. Il n’est pas rare que de nombreux salons et foires aient lieu dans le royaume. L’un des organisateurs est Al Harithy Company for Exhibitions (www.acexpos.com). Sur la liste des salons organisés par cette société, les produits alimentaires occupent une place de choix.
La condition d’une viande halal : le bon sacrifice

Pour être halal, il ne suffit pas que la viande soit licite, il faut en plus que l’animal soit sacrifié de la bonne façon. La méthode islamique d’abattage des animaux est connue sous le nom de thabiha halal (prononcé également zabiha). En islam, la méthode prescrite est de couper les grandes artères du cou avec une lame effilée et de descendre jusqu’à l’œsophage, tout en laissant s’égoutter le sang pour élimi- ner toutes les impuretés de l’animal, étant donné que la consommation du sang lui-même est interdite. Il est nécessaire que le nom de Dieu soit invoqué. La formule est : « Bismillah, Allahou Akbar. »

Deux sourates au moins contiennent cette importante disposition :

« Mangez donc de ce sur quoi on a prononcé le nom de Dieu si vous êtes croyants en Ses versets (le Coran)1. »

« Et ne mangez pas de ce sur quoi le nom de Dieu n’a pas été prononcé, car ce serait (assurément) une perversité. Les diables inspirent à leurs alliés de disputer avec vous. Si vous leur obéissez, vous deviendrez certes des associateurs2. »

Selon la plupart des autorités religieuses, l’abattage doit se faire à la main et non à la machine. Certaines entreprises utilisent un abattage mécanique et se voient néanmoins décerner un certificat halal, ce qui constitue une source de controverse parmi les musulmans.

Quant à la personne qui doit accomplir le sacrifice, pour certains musulmans, il est clair que le sacrificateur doit être un musulman pieux et sain d’esprit qui comprend pleinement les principes fondamentaux de l’islam et les conditions relatives à l’abattage halal, et qui, en plus, doit être approuvé par les autorités religieuses1. Pour d’autres, il n’est pas obligatoire que le sacrificateur soit un musulman, les gens du Livre (Ahl al-Kitab, c’est-à-dire les chrétiens et les juifs) peuvent également effectuer le sacrifice pour que la viande soit acceptable pour les musulmans. Certains juristes islamiques posent une condition supplémentaire : si le sacrificateur fait une invocation à un autre Dieu qu’Allah, la viande devient impropre pour les musulmans et elle ne doit pas être consommée. Si la manière de sacrifier l’animal n’est pas nouvelle puisque les autres « gens du Livre », et notamment les Juifs, utilisent une méthode similaire, cela entraîne une conséquence importante pour le marché de la viande halal. S’il s’avère que seuls les musulmans pieux peuvent effectuer le sacrifice selon la zabiha, les entreprises et notamment les abattoirs seraient dans l’obligation d’embaucher des bouchers musulmans pour prétendre à une origine halal de la viande mise sur le marché. Cela entraîne un surcoût de production de viande halal et augmente les prix à la consommation. Si par contre, les gens du Livre sont considérés comme acceptables pour le sacrifice, il est beaucoup plus facile pour les entreprises de travailler. Ceci est particulièrement vrai quand il s’agit de faire la distinction entre la viande cacher et la viande halal. Si la viande halal n’est pas disponible, de nombreux musulmans acceptent de consommer de la viande cacher, car des incantations à Dieu sont dites lors de l’abattage cacher. Quant aux exigences techniques (notamment le bannissement du sang), les juifs et les musulmans ont des positions semblables.


Enfin, les États-Unis étant souvent considérés comme une société respectant et craignant la puissance divine, beaucoup de musulmans croient que la viande en provenance des États-Unis est halal tant qu’elle est produite par des « gens du Livre », c’est-à-dire des juifs et des chrétiens autant que des musulmans. Sur le site www.soundvision.com, on trouve des points de vue contradictoires. Le site donne la parole à des chercheurs comme Syed Abyl A’la Maudidi et Al Phaim Jobe qui insistent sur le fait que la viande abattue par un musulman pieux est la seule qui soit licite et cite en même temps Youssef Al-Qaradâwî qui fait valoir que la viande des juifs et des chrétiens est acceptable pour les musulmans.

La principale source sur ce débat se trouve dans le Coran :

« Vous sont permises, aujourd’hui, les bonnes nourritures. Vous est permise la nourriture des gens du Livre, et votre propre nourriture leur est permise2. »





Selon1Al-Qaradawi, « si l’on n’entend pas d’un chrétien ou un juif qu’un autre nom que celui d’Allah, par exemple le nom de Jésus ou d’un saint, a été prononcé au moment du sacrifice, alors la viande est halal. Si, toutefois, un autre nom que celui d’Allah a été prononcé, la viande devient haram, selon l’avis de certains juristes qui estiment qu’il relève de la catégorie de nourriture consacrée à d’autres qu’Allah2 ». Ce débat n’est pas clos et si la majorité des musulmans dans le monde accepte d’acheter de la viande auprès de producteurs et de commerçants non musulmans, ce n’est pas le cas d’une minorité d’entre eux qui refusent cette possibilité et insistent pour s’approvisionner uniquement chez leurs coreligionnaires. Afin d’éviter toute polémique, il est préférable pour les grands producteurs de viande d’avoir suffisamment de bouchers musulmans disposant d’une carte de sacrificateur pour garantir la condition posée par une minorité de consommateurs qui dans le cas contraire pourraient avoir une capacité de nuisance importante.

Les boissons gazeuses sont-elles halal ?

Si les boissons énergétiques ont parfois été soupçonnées de contenir d’infimes quantités d’alcool, les boissons gazeuses ont, pendant des années, été considérées comme sûres. Les temps ont changé et même des boissons gazeuses comme Coca-Cola et Pepsi Cola font l’objet de soupçons. Dans la grande majorité des cas, les producteurs de boissons gazeuses ne divulguent pas leur formule, c’est- à-dire la liste complète des ingrédients. Sur la question de la formule secrète de Coca-Cola, les légendes sont nombreuses. La formule étant secrète, des individus et des organisations ne se privent pas de suspecter les deux géants d’incorporer des ingrédients haram dans leur composition (par exemple du porc ou de l’alcool).

Dans le cas de Pepsi, l’entreprise a décidé de cesser d’utiliser l’alcool comme solvant dans un arôme naturel de sa marque Gatorade. Toutefois, d’autres produits de la famille Pepsi tels que Vanilla Pepsi et Diet Vanilla Pepsi sont fabri- qués avec de l’extrait de vanille, qui contient 35 % d’alcool éthylique. Le produit contenant cette substance est considéré comme haram par les consommateurs musulmans. Sur son site australien, Coca-Cola indique dans la section FAQ que Coca-Cola est un produit halal et qu’il ne contient pas d’alcool1. Sur la bouteille en vente en Indonésie, le terme « halal » apparaît sur les bouteilles de Coca-Cola et de Sprite.

Les boissons Lucozade et Ribena ont été déclarées haram au Royaume-Uni en raison de la présence de petites quantités d’alcool dans le premier produit et de porc dans le second. GlaxoSmithKline (le propriétaire de ces deux marques) a demandé au Conseil juridique musulman du Royaume-Uni de déclarer par une fatwa que ces deux produits sont devenus halal depuis que les composants incriminés (porc et alcool) ont été retirés de la composition des produits.
Le fast-food est-il halal ?


Trouver de la viande halal sur les étalages est de plus en plus facile pour les consommateurs musulmans car les détaillants n’hésitent plus à en proposer. Il en va autrement lorsqu’il s’agit de commander des plats halal dans les restaurants. Les restaurants fast-foods sont souvent sur la sellette en raison du grand nombre de consommateurs musulmans et aussi des nombreux employés musulmans qui y travaillent.


Bien sûr, si le jambon, le bacon et autres produits dérivés du porc sont rejetés par les musulmans, le filet de poisson n’est pas exempt de contamination croisée. Interrogé sur la nourriture halal, McDonald’s répond que le lactosérum et la levure sèche utilisés dans la préparation du revêtement de ses filets de poisson sont halal. Le Muslim Consumer Group (MCG) des États-Unis estime que le filet de poisson que l’on trouve chez McDonald’s est halal à condition de le consommer sans fromage ni sauce tartare, tandis que la mayonnaise est autorisée. Quant aux frites, toujours selon le MCG, il faut les éviter car elles sont préparées avec des extraits de bœuf non zabiha*.


Les musulmans ne s’intéressent pas seulement à la liste des ingrédients et des méthodes d’abattage – ils veulent aussi savoir comment les différents produits sont préparés dans les restaurants.


Les restaurants Burger King aux États-Unis sont accusés d’utiliser la même friteuse pour cuisiner les saucisses de porc, les filets de poisson et le poulet. En conséquence, certains musulmans considèrent que non seulement les ingrédients doivent être sûrs, mais aussi les installations et les moyens de transport. Afin d’éviter ce désagrément, certaines organisations musulmanes publient des listes de restaurants et/ou des boucheries, où les musulmans peuvent commander un repas ou acheter de la viande sans souci. Le Halal Monitoring Committee au Royaume-Uni publie par exemple une liste pour la ville de Londres et le site web www.zabihah.com dresse la liste des restaurants halal dans les plus grandes villes du monde. Actuellement, plus de trois mille établissements sont recensés. Une initiative intéressante a vu le jour en France avec l’ouverture du Beurger King Muslim en 2004. Ce restaurant était situé à Clichy-sous-Bois, banlieue nord de Paris, et son nom jouait sur le mot français « beur », à savoir la deuxième génération originaire d’Afrique du Nord vivant en France. Le restaurant offrait les menus habituels d’un fast-food tels que Bakon Halal, Double Koull Cheese, Koull filet, des boissons gazeuses et de la glace. Le restaurant détenait un certifi- cat halal de l’AVS (le premier organisme de certification halal en France). Mais, en septembre 2006, le site d’AVS a fait savoir que BKM n’était plus certifié par l’AVS. Le restaurant a depuis fermé ses portes.

Capsules de gélatine halal, comment se soigner halal

Au début du XIXe siècle, les pharmaciens ont cherché un moyen de rendre les médicaments plus faciles à avaler. La réponse consistait à avaler une capsule à enveloppe dure constituée de deux parties pour masquer le goût et l’odeur du contenu. Aujourd’hui, ces capsules ont la faveur de pratiquement tous les consommateurs dans le monde. Malheureusement pour les musulmans, cette capsule est généralement faite en gélatine, dérivée de source haram. La gélatine est très pratique et peu coûteuse à fabriquer, elle est à la fois douce et rigide. La gélatine est également utilisée pour encapsuler le bêta-carotène, pour protéger sa couleur et ses propriétés. Enfin, les comprimés sont eux aussi très souvent enduits de gélatine.

Deux sociétés sont sur les rangs pour répondre à une demande croissante en capsules de gélatine halal. Il s’agit de Capsugel, le leader mondial de capsules en deux parties, qui produit des capsules halal dans son unité de production indo- nésienne. La production est entièrement sous le contrôle du Majelis Ulama Indo- nesia (MUI) qui contrôle, inspecte et certifie tous les processus de production. La seconde entreprise est Halalgel en Malaisie. La différence entre les deux sociétés est que la première ne fait pas mention de certificat halal sur son site car le halal ne représente qu’une fraction de son activité mondiale, tandis que pour Halalgel il s’agit de son activité principale. Pour ses gélules, Halalgel reproduit les certificats halal malaisiens (Jakim), indonésiens (MUI) et thaïlandais (Comité central islamique de la Thaïlande). Halalgel souligne également la raison pour laquelle les musulmans doivent être prudents dans la consommation de gélules. « La gélatine est essentiellement un dérivé de protéines animales, à partir des os, de la peau et des tissus conjonctifs collagéniques. Elle a une variété d’applications industriel- les, en particulier celles qui ont trait à la transformation des aliments, les produits pharmaceutiques, les cosmétiques et les produits de toilette, la photographie, l’impression et bien d’autres encore. Pour les musulmans, l’existence de gélatine halal est une question très délicate pour assurer la consommation appropriée de produits de qualité. Halalgel propose la meilleure qualité de gélatine provenant de sources bovines qui répond aux normes internationales les plus élevées1. » Ce qui n’est pas dit dans ce paragraphe, c’est que la gélatine d’origine porcine est souvent utilisée dans l’industrie pharmaceutique car elle est bon marché et particulièrement bien tolérée par l’organisme humain. C’est pourquoi la société Halalgel insiste sur le fait que sa gélatine est d’origine bovine et non pas porcine. Capsugel, quant à lui, indique uniquement sur la section FAQ que « les capsules peuvent provenir de différentes sources animales afin de tenir compte des contraintes culturelles et des interdictions alimentaires2 » sans aucune mention halal.


L’alternative que proposent Capsugel et Halalgel utilise de la gélatine de pois- son, de la gélatine bovine et des gommes végétales (cellulose ou amidon). Le débat sur les capsules s’insère dans un débat plus large qui touche la médecine en général. Les médicaments qui sont utilisés pour guérir une maladie ou aider à surmonter la maladie sont considérés comme exemptés de la réglementation des aliments halal. Les médicaments sur ordonnance n’ont généralement pas de produits de substitution. Si un médicament est disponible seulement en capsules, le malade est obligé de le prendre. Toutefois, les produits parapharmaceutiques, les multivitamines et autres suppléments alimentaires ne sont pas considérés comme des médicaments indispensables. Dans ce cas, il serait judicieux pour les musulmans de contrôler la liste des ingrédients, d’autant plus que des produits de substitution comme les comprimés, les sirops, les gélules végétales..., existent sur le marché. C’est la raison pour laquelle les musulmans aujourd’hui demandent des vitamines sans capsule en gélatine et cherchent des produits sans alcool (par exemple, les sirops contre la toux sont sur la sellette car ils contiennent en général de l’alcool).


Produits halal non alimentaires Les parfums sont-ils halal ?

La controverse sur l’alcool et les parfums est assez ancienne et une recherche de textes précis dans le Coran ou dans les hadiths est impossible parce que la parfume- rie alcoolique n’existait pas au temps du prophète Mahomet. Lorsque le Coran parle de parfums, il se réfère aux épices, les plantes et les pommades (crèmes). Dans un passage du Coran les parfums sont cités de la manière suivante : « Il s’y trouve des fruits, et aussi les palmiers aux fruits recouverts d’enveloppes... tout comme les grains dans leurs balles, et les plantes aromatiques1. »
Il est également dit que le père du Messager Mahomet était un parfumeur et que Aïcha, son épouse aimée appliquait du parfum sur ses cheveux et sa barbe. Le parfum était présent dans tous les aspects de la vie quotidienne et même dans les mosquées puisque l’une des conditions pour entrer dans une mosquée était d’être propre et bien habillé. Le véritable problème aujourd’hui est la présence d’alcool éthylique (obtenu par fermentation directe de sucres naturels). L’alcool éthylique est absolument interdit, car il est considéré comme haram.
L’alcool éthylique est utilisé principalement comme matière première dans la synthèse de produits chimiques, comme solvant en laboratoires, dans l’industrie des peintures, des vernis, des encres, des matières plastiques, des adhésifs, des cosmétiques, des produits pharmaceutiques, dans la fabrication des produits de nettoyage, des insecticides ou comme désinfectant. C’est un composant de base dans les boissons alcoolisées telles que le vin le cidre (10 % à 13 %), la bière (0,5 % à 7 %) et les spiritueux (40 % à 50 %).
Si l’alcool utilisé dans la fabrication des parfums était non pas de l’alcool éthy- lique, mais de l’alcool acétique (produit par oxygénation de l’alcool éthylique comme c’est le cas du vin ou de l’alcool qui se transforme de lui-même en vinai- gre), il serait considéré comme halal et propre à l’utilisation (usage externe bien entendu).
L’industrie cosmétique utilise de grandes quantités de gélatine dans la fabrica- tion de ses produits de soins de la peau. Cette même industrie est aussi très réti- cente à divulguer le contenu de ses produits, de sorte que les entreprises du secteur ne donnent pas la liste complète des ingrédients. Toutefois, ces entreprises éprouvent parfois le besoin de préciser que leurs produits ne contiennent pas tel ou tel ingrédient. Nivea précise par exemple que sa crème pour le visage ne contient ni de porc, ni de bœuf. La crème est composée d’alcool de lanoline qui est un ingrédient halal, mais aucune information n’est disponible sur l’alcool présent comme solvant dans le parfum. De son côté, la crème froide de Pond’s peut être considérée comme halal, car elle est sans alcool et sans ingrédients d’origine porcine. Mais là encore, la glycérine et l’acide stéarique contenus dans la crème pour le visage sont des ingrédients certes licites, mais provenant de bœuf non zabiha. Enfin, Revlon indique qu’il n’y a ni de porc ni de bœuf dans l’ensemble de ses produits de maquillage. La société souligne que le collagène de poisson est parfois utilisé dans certains produits et reconnaît que le vernis à ongles contient de l’alcool éthylique de céréales.
L’industrie du parfum affirme ne pas utiliser d’alcool éthylique; ainsi, prati- quement tous les parfums pourraient être achetés par les consommateurs musulmans. Toutefois, l’examen d’un certain nombre de produits montre que si l’alcool est bien mentionné dans la liste des ingrédients, on ne précise pas s’il est éthylique ou non. Le manque de précision sur la nature de cet alcool est très souvent légitimé par le fait que la formule du parfum est secrète. De plus, le pourcentage n’est pas précisé. En cas de doute, le parfum devient mushbooh. Ce dilemme n’empêche pas les compagnies en provenance de pays islamiques de lancer leurs propres parfums. Sur le site www.ahad-ahad.com il n’y a pas moins de quarante parfums différents développés principalement pour les consommateurs musulmans. En 1983, le sultanat d’Oman a commencé à commercialiser un parfum appelé Amouage.
Ce parfum est vendu comme le parfum le plus cher au monde. Il a été créé par le « nez » Guy Robert et fabriqué en petites quantités avec une extrême attention aux détails. La seule limite donnée à Guy Robert était d’utiliser les essences que l’on peut trouver à Oman uniquement. Cinq ans ont été nécessaires pour composer ce parfum et fabriquer des flacons faits à la main et en argent doré 24 carats. La version féminine appelée Gold eau de toilette est vendue 192 euros pour un flacon de 50 ml alors qu’une eau de toilette de Chanel est vendue à environ 60 euros. Voici comment ce parfum est présenté : « Amouage, c’est de l’ultra luxe, ses racines plongent dans l’opulence arabe moderne et sa splendeur1... » 


Comment s’informer sur l’alimentation ?

L’information sur l’alimentation halal n’est pas indispensable dans les pays musulmans car la viande est considérée d’office comme halal. À ce titre beaucoup de pays musulmans n’ont même pas d’agence de certification car ils n’en voient pas l’utilité. En revanche, cette information est cruciale dans les pays occidentaux car les jeunes musulmans qui y vivent sont de plus en plus concernés par la pureté de leur nourriture. Ils font pression sur les détaillants et les fabricants pour avoir une vaste gamme de produits certifiés halal qui sont facilement disponibles et bon marché, mais beaucoup d’entre eux n’ont pas suffisamment d’informa- tion, ni de formation sur ce qui est halal et ce qui ne l’est pas. C’est pourquoi les sites de discussion sur Internet jouissent d’une très forte popularité. En général, les associations islamiques publient des brochures et des dépliants qui expliquent les principes de l’islam ou leurs conséquences sur la nourriture en général et la viande en particulier. C’est le cas des brochures publiées par le Halal Monitoring Committee de Londres ou le Halal Control d’Allemagne.
Une autre forme d’engagement militant de la part des consommateurs est d’initier et de faire signer des pétitions comme celle adressée à General Mills aux États-Unis concernant le produit Lucky Charms, qui invitait l’entreprise à modi- fier la liste des ingrédients afin d’être compatible halal 1.
Un grand nombre de substances sont considérées comme haram (interdit) mais les musulmans vivant dans des pays non musulmans font face à trois problè- mes majeurs.
  • Lepremierestévidemmentl’absence,oularareté,derestaurantsetd’épiceries qui offrent de la nourriture halal, en particulier la viande.
  • La deuxième est l’omniprésence de la viande de porc dans la cuisine occidentale. Or il est interdit aux musulmans de consommer du porc et de l’alcool, car ils sont considérés comme najis* (impurs), et à ce titre sont les exemples mêmes de ce qui est haram. Même si les musulmans ne vont pas commander un plat contenant du porc, ils peuvent être victimes de « contamination croisée », par exemple lorsque le cuisinier utilise le même couteau de cuisine pour couper du porc et du bœuf. Par ailleurs, de nombreux plats préparés, et même des desserts vendus en grande surface, contiennent de la gélatine de porc, sans que cela soit précisé sur les embal- lages. L’argument avancé est que le contenu de porc est tellement minime qu’il n’est pas nécessaire de le préciser. 
• La troisième préoccupation est l’utilisation fréquente d’alcool, en particulier du vin dans la cuisine (pour les sauces et les gâteaux) même si certains soutien- nent que, l’alcool ayant été complètement brûlé dans la préparation des mets, la question ne se pose plus. Autres problèmes, les additifs alimentaires tels que le glutamate monosodique (MSG) qui incorporent des enzymes dérivés de graisses de porc dans le processus de fabrication. Il est très difficile pour les consommateurs musulmans d’éviter de tels additifs alimentaires puisqu’ils ne sont pas précisés dans les compositions. La plupart du temps, les musulmans se contentent de ne pas commander de porc et d’alcool sans se préoccuper du reste. Pour les autres, des sites web fournissent des informations aux musul- mans qui vivent dans les pays occidentaux et leur donnent des conseils. Par exemple, le site canadien www.eat-halal.com conseille aux musulmans d’éviter de manger dans des restaurants tenus par des non-musulmans, en raison du risque élevé de contamination par des aliments haram à cause d’ustensiles sales, non lavés, d’une mauvaise manipulation, ou tout simplement d’erreurs humaines. Pour ce site, il vaut mieux ne pas prendre de risque et ne pas y manger !
Remarque concernant les pizzas : puisque les pizzas végétariennes et à base de fromages sont cuites dans les mêmes fours que les pizzas garnies de pepperoni, jambon, etc., il est possible que la graisse de la viande de porc et autres viandes haram se maintienne au fond du four, puis fonde et tombe en gouttes dans la pizza fromage ou la pizza végétarienne.
Pour faire face à ce problème, un grand nombre d’entreprises spécialisées dans l’alimentation halal se sont créées pour exploiter cette niche commerciale. L’une de ces sociétés est Al Safa Halal. De façon didactique, elle explique ce qui rend leurs pizzas halal. Selon leur publicité, la viande de bœuf est halal car le sacrifice a été fait à la main par un musulman. Deuxième raison, le fromage utilisé ne contient pas d’ingrédients à base animale (enzymes). Troisième raison : l’huile de cuisson utilisée est 100 % végétale, car il est de notoriété publique que dans certains pays, l’huile est remplacée par du saindoux, ce qui rendrait inévitable- ment la pizza haram. Enfin, les conservateurs sont uniquement naturels (pas de source animale).
Un autre exemple en provenance des États-Unis porte sur la société J&M. La viande et la volaille sont des produits certifiés halal par IFANCA. Il est intéres- sant de noter que leur site s’appelle www.halalcertified.com, de sorte que tous les internautes désireux d’avoir accès à l’information sur la certification halal qui tapent « halal » et « certification » seront renvoyés à ce site.

Comment se fournir en produits halal ?
Les musulmans doivent-ils acheter obligatoirement de la nourriture chez des commerçants musulmans ou bien peuvent-ils également fréquenter les commer- çants non musulmans ? Cette question inquiète un certain nombre de musul- mans qui vivent dans des pays occidentaux. Si les musulmans doivent se fournir exclusivement dans des commerces tenus par des musulmans, la situation est préjudiciable pour les musulmans qui n’ont pas accès facilement à des points de vente appropriés et cela se traduira inévitablement par une baisse du chiffre d’affaires des commerçants non musulmans. L’autre option pour ceux qui conti- nuent à exiger que leur commerçant soit musulman est le développement des sites d’achats en ligne.
La seconde question que certains musulmans se posent est la suivante : le restaurant dans lequel je vais est strict sur le respect du halal mais il vend égale- ment de l’alcool à des clients qui ne sont pas musulmans. Est-ce un restaurant halal ? Certains restaurants indiquent fièrement que la viande est halal, mais en même temps, ils n’hésitent pas à servir de l’alcool (principalement du vin et de la bière) à leurs clients, ce qui est le fait de beaucoup de restaurants kebab.
Si les consommateurs musulmans cherchent à éviter ce genre de restaurant, il ne leur sera pas possible d’emmener leurs enfants dans les McDonald’s français puisqu’on y sert de la bière, ni à Disneyland Paris car là aussi on sert de l’alcool dans les restaurants du Resort, comme dans le restaurant Arabah Café qui recrée une atmosphère orientale et méditerranéenne et où sont servies des spécialités telles que le shawarma, le couscous, le tajine et les douceurs orientales. Ce restau- rant propose aussi des boissons alcoolisées.

Comment gérer les contraintes au quotidien ?

Voyager pourrait devenir un problème pour les musulmans parce qu’il est impossible de préparer de la nourriture pour les longs voyages et, dans certains espaces clos tels que les avions ou les bateaux, ils n’ont parfois pas la possibilité de choisir un repas halal. De nombreuses entreprises proposent maintenant une nourriture halal, comme la société néerlandaise Imamin Inflight Service Halal, en fournissant aux compagnies aériennes un concept complètement halal. Comme indiqué sur leur site web, tous les produits Imamin sont préparés avec certification HACCP (halal) dans leurs installa- tions de production aux Pays-Bas. HACCP est une norme de certification générale du processus de production des aliments et certaines organisations (le Halal Control d’Allemagne) utilisent le terme HrACCP (Haram Analysis Critical Control Points). Le système HACCP se préoccupe des éventuels préjudices causés aux consommateurs en général. Le HrACCP, quant à lui, se préoccupe de l’adéquation entre la consommation selon les règles islamiques et l’hygiène. Les principes des deux parties sont combinés comme le système qui est halal-HACCP (HH). Contrairement à l’HACCP, la certification halal est la seule méthode de contrôle qui prend en compte l’origine et la composition des aliments pour animaux. De manière générale, les entreprises impliquées dans la nourriture halal cherchent les deux certifications (HACCP et halal). De nouveaux ingrédients sont en train de devenir une source de préoccupa- tion, parmi lesquels la gélatine qui est utilisée comme matière première pour des bonbons ou dans la fabrication de gélules pharmaceutiques.

Qu’est-ce qu’un produit haram ? Liste des ingrédients interdits

La liste des produits et ingrédients haram1 : 1. le porc;
2. le sang;
3. les animaux carnivores;

4. presque tous les reptiles et les insectes;
5. le corps des animaux morts;
6. les animaux qui ne sont pas abattus selon la loi islamique; 7. le vin, l’alcool éthylique et les spiritueux.

Les ingrédients haram sont les suivants : 1. l’alcool;
2. les matières grasses animales;
3. le bouillon (d’animaux);

4. l’éthanol;
5. l’alcool éthylique; 6. la gélatine;
7. le saindoux; 



  1. la présure (substance qui permet de faire cailler le lait pour fabriquer du fromage) ;
  2. le vin;
  3. le suif;
  4. l’extrait de vanille/arôme de vanille.
Les ingrédients artificiels haram sont les suivants :
  • E120 : cochenille (insecte);
  • E124 : rouge cochenille (extrait d’insecte);
  • E160:carotonoïde(pigmentanimaletvégétal);
  • E236:acideformique(extraitducorpsdesfourmis);
  • E237 : formiate de sodium;
  • E238 : formiate de calcium;
  • E334 : acide tartrique;
  • E335 : tartrate de sodium;
  • E336 : bitartrate de potassium;
  • E337:bitartratedesodiumetdepotassium;
  • E422 : glycérol;
  • E471:monoetdyglicéridesd’acidesgras;
  • E472:esteracétique,tartrique...
  • E477 : monoester du propylène glycol des acides gras alimentaires.
  • Gélatine:osséchésdesanimaux. 

Alcool, le premier des ingrédients haram

Comme indiqué dans la liste citée plus haut, le premier et le plus important ingrédient haram qui soit est l’alcool. Une citation du Coran l’évoque implici- tement :
« Ô les croyants ! Le vin, le jeu de hasard, les pierres dressées, les flèches de divination ne sont qu’une abomination, œuvre du Diable. Écartez-vous en, afin que vous réussis- siez... Le Diable ne veut que jeter parmi vous, à travers le vin et le jeu de hasard, l’inimitié et la haine, et vous détourner d’invoquer Dieu et de la Salat. Allez-vous donc y mettre fin1 ? »
Il est dit qu’il faut « éviter » ou se détourner de l’alcool car il s’agit d’une cause d’intoxication. Selon de nombreux chercheurs, il s’agit là d’une interdiction bien plus forte que si l’alcool était explicitement qualifié d’haram. Suivant cette sourate, non seulement il ne faut pas consommer de l’alcool, mais il est aussi haram de l’acheter, de le vendre, de le transporter, de le fabriquer, de le servir, de développer les matières premières pour le fabriquer ou de s’y associer de quelque manière que ce soit. C’est ce que « renoncer » veut dire. Le défi est donc de taille pour les commerçants musulmans ou les propriétaires de restaurant ou d’hôtel. Peuvent-ils servir de l’alcool dans leurs bars, restaurants et hôtels pour les clients non musulmans ? Doivent-ils éviter d’inclure l’alcool ou des produits à base de porc dans leurs produits quand ils ouvrent un magasin, même quand ils ont des clients non musulmans ? Étant donné que l’alcool n’est pas clairement mentionné dans la liste des substances intoxicantes, il y a une controverse sur le volume d’alcool qui peut être autorisée dans certaines boissons ou certains médicaments. C’est notamment le cas des bières sans alcool.1 2
Dans un autre verset, le Coran mentionne le vin et le sens n’est pas plus clair :
« Des fruits des palmiers et des vignes, vous retirez une boisson enivrante et un aliment excellent. Il y a vraiment là un signe pour des gens qui raisonnent3. »
La vinification trouverait son origine en Turquie et, pour les croyants, remonte au Déluge. Lorsque les eaux se sont retirées, Noé aurait planté un vignoble. L’islam ne favorise bien entendu pas la culture du vin mais ne l’a pas toujours condamnée. À l’époque de l’Empire ottoman, la majorité de la population dépendant de la Sainte Porte n’était pas musulmane. Les chrétiens consom- maient de l’alcool et l’Empire n’a jamais cherché à l’interdire. Kemal Ataturk au XXe siècle a même encouragé la production de vin et voulait faire la promotion du vin turc. La Turquie dispose du cinquième plus grand vignoble au monde, mais ses vins y sont encore d’une qualité moyenne alors que la réputation de son « raki » (boisson ressemblant au pastis) n’est plus à faire auprès des Turcs qui en sont de gros consommateurs.

L’alcool en Turquie
La plus haute juridiction administrative turque a annulé en avril 2007 un décret réglementant la vente d’alcool, une mesure qui a provoqué la controverse et pointé du doigt le gouvernement, accusé de vouloir accroître le rôle de l’islam en Turquie. Le décret du ministère de l’Intérieur qui permettait aux municipalités de créer des « zones rouges » réserver aux restaurants et aux bars « n’est pas conforme aux lois en vigueur » et pourrait « isoler » ces établissements en dehors de la vie urbaine, souligne le Conseil d’État. Peu après la publication du décret controversé en octobre 2005, plusieurs municipalités détenues par l’AKP ont tenté de déplacer les bars à la lisière des villes dans le but de « protéger les jeunes des effets néfastes » de l’alcool. Les maires d’Ankara et d’Istanbul, première métropole turque, ont interdit l’alcool dans les cafés et restaurants appartenant à leurs municipalités. Bars à vin, bars américains, bars à bière et tavernes locales proposent tous les alcools à toutes les heures du jour et de la nuit, auxquels s’ajoutent les hôtels, les restaurants, les clubs et les discothèques.
Le Premier ministre, Tayyip Erdogan, avait été le premier à s’en prendre aux consommateurs d’alcool. Dans les années 1990, alors qu’il était maire d’Istanbul, Erdogan avait fait interdire l’alcool dans plusieurs cafés et restaurants. Aujourd’hui, les taxes se multiplient et les licences sont de plus en plus difficiles à obtenir. Plusieurs marques locales de bières se disputent le marché, la production de vin n’est pas négligeable et le fameux raki, la boisson nationale, coule à flots. Surnommé le « lait de lion », ce breuvage comparable à l’ouzo grec est un alcool de raisin parfumé à l’anis. Très populaire, on le consomme dans toute la Turquie, princi- palement dans les régions rurales et traditionnelles. La ville de Konya, réputée pour son conservatisme religieux, est aussi celle où l’on consomme le plus de raki...
Plusieurs marques sont très connues non seulement en Turquie mais aussi en Europe, notamment grâce aux opérations de sponsoring. Il est paradoxal de constater que la Turquie, un pays musulman à 99 %, est aussi un pays où l’alcool est partout présent, même sur les maillots des plus grandes équipes, notamment de basket. Efes Pilsen qui de loin la meilleure équipe de basket du pays, porte le nom d’une marque de bière.
Selon le Financial Times1, la raison de l’expansion des vins turcs se trouve dans un marché intérieur porteur car 10 % seulement de la production de vin est exportée. Il est évident que les 90 % restants ne sont pas consommés par la seule population étrangère (résidents et touristes) du pays.
Au Liban, la situation est à peu près la même. Les Libanais musulmans ne devraient pas consommer d’alcool, de sorte que les seuls clients sont les Libanais chrétiens vivant dans le pays. Il est très difficile de différencier les consommateurs en fonction de la confession et les restaurateurs et commerçants ne demandent pas à leurs clients s’ils sont chrétiens ou musulmans. De ce fait, il est tout à fait possible pour un Libanais musulman d’acheter et de consommer de l’alcool au Liban. Comme en plus il s’agit d’un pays séculier, il n’y a pas d’administration spécialisée dans la surveillance de la consommation d’alcool. Contrairement aux vins turcs, les vins libanais bénéficient d’une meilleure image à l’étranger et sont régulièrement vendus à l’export, ce qui est peut-être dû à une demande de la dias- pora libanaise. C’est le cas notamment pour les vins du Château Kefraya au Liban, un producteur qui n’hésite pas à écumer les salons internationaux pour vendre ses vins, comme celui de la London International Wine and Spirits Fair en 2006.
En Algérie, la population non musulmane est infime, contrairement à la situation d’avant la guerre d’Algérie. Toutefois, la consommation de bière est estimée à 3,2 litres par habitant, et les deux brasseries locales ne peuvent pas satisfaire la demande locale. C’est la raison pour laquelle les fabricants étrangers ont commencé à accorder des licences pour la fabrication de leurs produits avant qu’une nouvelle loi, adoptée en 2004, n’interdise les importations d’alcool, sans toutefois mentionner la bière dans la liste des produits prohibés. 


La certification halal plus complexe qu’on ne le pense

De nombreux non musulmans croient à tort que la certification halal signifie simplement la présence d’un musulman pour bénir l’abattoir et déclarer les produits halal. Certains producteurs croient à tort qu’il suffit de ne pas ajouter de viande de porc ou d’alcool pour s’auto-certifier et mettre l’étiquette halal sur leurs produits, notamment à l’exportation. Certains producteurs de charcuterie ne demandent pas de certificat halal à leurs fournisseurs du moment qu’ils n’utilisent pas d’ingrédients à base de porc et d’alcool. Non seulement les ingrédients doivent être examinés afin de vérifier leur licité, mais les fournisseurs des ingrédients doivent également posséder un certificat halal. C’est donc toute la chaîne d’approvisionnement qui doit être sous contrôle (produits et installation compris). Comme beaucoup d’entreprises omettent de contrôler la traçabilité de leurs fournisseurs, les pays importateurs sont souvent obligés de dresser des listes noires, visant à boycotter les exportateurs négligents. 


Il n’y a pas d’organisme central de certification halal au niveau mondial ce qui amène certains producteurs finaux et des fournisseurs de produits et d’ingré- dients à se dispenser de certification halal. Ils disent souvent que leurs portes sont ouvertes à toute personne qui veut personnellement inspecter la façon dont leurs animaux sont abattus. Cela est particulièrement vrai dans les pays occidentaux, où les musulmans représentent une minorité et où la certification halal n’est pas obligatoire.
Dans la plupart des pays musulmans un organisme de certification central existe bel et bien et c’est lui qui fixe les règles pour les entreprises. C’est le cas notamment e Malaisie et l’Indonésie.

➤ La Malaisie et l’Indonésie

Il est facile d’identifier les organismes de certification halal les plus réputés car les organismes occidentaux de certification halal mentionnent fièrement qu’ils détiennent leur approbation. C’est particulièrement le cas pour le Halal Control en Allemagne, qui insiste sur le fait que Jakim (Malaisie) et MUI (Indonésie) acceptent le certificat de Halal Control. Étant donné que le nombre de musulmans originaires de Malaisie et d’Indonésie vivant en Allema- gne est extrêmement faible, cela signifie que soit un certificat originaire de Turquie n’existe pas (la majorité de la population musulmane en Allemagne est d’origine turque et il serait plus approprié d’utiliser un certificat turc plutôt qu’un certificat de pays lointains comme la Malaisie ou l’Indonésie) ou bien que les autorités musulmanes en Allemagne croient vraiment que Jakim et MUI sont les meilleures agences de certification halal dans le monde. De fait, il n’y a pas d’agence de certification halal en Turquie, ni d’ailleurs dans bon nombre d’autres pays musulmans comme l’Arabie Saoudite par exemple, pour la simple raison que tous les produits sont réputés être halal et que l’importa- tion de produits en provenance de pays non musulmans est assujettie à un certificat halal qui n’est pas délivré par le pays importateur, puisqu’il n’est pas producteur, mais par une agence de certification halal du pays de fabrication. Les agences malaisienne et indonésienne sont strictes sur leur contrôle et n’hésitent pas à interdire certains produits en cas de doute. Le producteur indo- nésien PT Ajinomoto a été forcé de retirer tous ses produits, utilisés dans de nombreux ménages indonésiens, suite à une enquête de la MUI qui a conclu en la présence d’ingrédients d’origine porcine dans ses produits. L’Indonésie a également interdit les importations de morceaux de poulet en provenance des États-Unis, les taxant de non halal


Les États-Unis et la France
Dans les pays occidentaux, de nombreuses agences de certi-
fication existent. Rien qu’aux États-Unis par exemple, il y a
plus de quatre-vingts organismes de certification
halal.
Parmi les plus importants on trouve IFANCA (Islamic Food and Nutrition Council of North America), ISNA (Islamic Society of North America), MCG (Muslim Consumer Group) ou bien HALAL2U
1. Le symbole de certification halal d’IFANCA, un croissant avec la lettre « M », a été accordé, seulement en 1990, à plus de deux mille entreprises et à plus de vingt-deux mille produits en 2008, contre cinquante entreprises. Cette organisation facture la certification environ 2 000 dollars par an et par entreprise. Ceci peut aller jusqu’à 40 000 dollars pour les grandes entreprises et donc de nombreux produits certifiés.
Le Muslim Consumer Group est enregistré comme un organisme d’éducation et de certification d’aliments halal pour les consommateurs musulmans et l’industrie alimentaire. Cette organisation est très stricte dans le respect des exigences alimentaires islamiques sans addition d’alcool éthylique qu’il s’agisse de produits naturels ou artificiels, arômes, extrait de vanille ou sauce de soja. Leur principale activité est la publication de La liste complète des produits alimentaires halal couvrant les supermarchés à Baltimore, Boston, Chicago, Chattanooga, Detroit, Dallas, Orlando, Houston, Los Angles, New Jersey, New York, la région de Phila- delphie, San Francisco, St. Louis, Toronto et Washington DC2. Cette liste est très utile car elle permet aux consommateurs musulmans de savoir ce que veulent dire les différentes appellations, chiffres et codes dans la liste des ingrédients.
Pour gagner la confiance des consommateurs, le groupe Casino est le premier à avoir lancé son propre système de contrôle de traçabilité des produits halal vendus dans les enseignes du groupe sous le nom de « Wassila ». Il suffit que le consommateur enregistre le nom du produit ou bien son code-barres pour trou- ver l’information disponible. Voici un exemple de produit avec ses différents composants : le « croque kebab » marque Amine :
Fournisseur :
– Hallal Culinaire Diffusion, 69200 Venissieux Organisme de contrôle :
– Mosquée Évry Courcouronnes, 91080 Courcouronnes

Numéro de convention :
– NORAGRG9601129A Numéro d’agrément sanitaire : – FR47.323.329CE
Date de mise à jour :

– 7 octobre 2008
Si les organisations musulmanes ne peuvent établir un certificat unique pour les produits halal, l’initiative publique tente parfois de le faire. L’exemple français est intéressant à cet égard. Le ministère français de l’Intérieur a d’abord autorisé les trois plus grandes mosquées (Paris en 1994, Lyon et Évry en 1996) à effectuer l’abattage rituel. Ces trois mosquées sont les seules structures en France à détenir le monopole d’établissement des cartes de sacrificateur.
La seconde initiative est la mise en place du CFCM (Centre français du culte musulman) qui représente la communauté musulmane en France. Il y a, au sein du CFCM, une commission halal qui est censée faciliter l’harmonisation de la certification halal en France. Les autorités françaises espèrent que l’organisation et la supervision de la certification halal engendreront des revenus pour financer la religion musulmane, comme c’est le cas avec le cacherout juif. Le consistoire juif de Paris est le principal fournisseur de produits casher en France et son label « Beth Din de Paris » est hautement reconnu. Une taxe est prélevée sur la viande par exemple (1,41 euro par kilo) et cette taxe sert à financer les synagogues et les activités de la communauté juive. Toutefois, le consistoire de Paris ne jouit pas d’un monopole, puisque des organisations juives concurrentes existent. Toute- fois, le consistoire garde une position dominante, en certifiant environ 80 % à 85 % du marché de la viande cacher. Selon de nombreux observateurs, musul- mans ou non, l’État d’un pays non musulman n’a pas les capacités d’harmoniser la certification halal, plus encore la France où il y a séparation institutionnelle entre les religions et l’État et où la puissance publique n’est même pas censée intervenir dans ce genre d’affaire. Le principal organisme de certification en France, « À Votre Service », existe depuis plus de quinze ans. 


À l’instar de l’initiative française, d’autres pays tentent d’harmoniser l’organi- sation de la communauté musulmane. En Thaïlande par exemple, le Comité central de l’organisation islamique de Thaïlande est le représentant légal de la communauté musulmane du pays et seule cette organisation est habilitée à déli- vrer des certificats halal dans le pays.
Les autorités publiques aux États-Unis prennent au sérieux la question de la certification halal. Un certain nombre d’États ont décidé de voter des projets de loi sur la nourriture halal afin de protéger leurs citoyens. New Jersey, Illinois, Minnesota, Californie ont déjà légiféré sur le sujet alors que New York, le Texas et la Virginie sont en passe de le faire. Il est illégal pour les entreprises et les parti- culiers de présenter des produits non halal comme halal. Il est exigé également que les restaurants indiquent s’ils servent ou non de la nourriture halal. Les aliments halal doivent être préparés dans le strict respect des lois alimentaires musulmanes. Avec plusieurs millions de musulmans aux États-Unis et plus d’un million en Californie, la véracité des publicités sur les produits halal est devenue un sujet sensible. Le New Jersey a été un des premiers États à garantir aux consommateurs qui ont acheté des aliments halal un accès à l’information; celle- ci leur permettra de déterminer si ces produits ont été préparés conformément aux injonctions islamiques en matière alimentaire.
En cas d’infraction, la personne physique encourt une amende allant jusqu’à 10 000 dollars pour la première infraction et jusqu’à 20 000 dollars pour chaque infraction ultérieure. Sont prévues également une inspection de l’installation de la production et la formation du personnel de la compagnie pour la compréhen- sion et le respect des exigences halal. Bien que la législation fédérale ne force pas les entreprises à inscrire des caractéristiques religieuses sur leurs produits, cette même législation punit l’étiquetage mensonger qui indique par exemple que le produit est halal alors que le producteur n’a pas de certificat halal.
Les sociétés occidentales connaissent bien l’importance de ce marché et elles cherchent à obtenir une certification halal dans tous les pays où les musulmans vivent en grand nombre. Nestlé, société leader dans le secteur alimentaire, a demandé et reçu la certification halal pour la marque Nescafé de la part d’IFANCA. Nestlé Malaisie qui commercialise un grand nombre de produits halal est maintenant devenue une tête de pont pour les produits halal dans le monde entier. Sur son site malaisien, Nestlé parle longuement de sa politique halal, soulignant que la filiale malaisienne est le plus grand producteur de nour- riture halal dans le groupe Nestlé1. Le site reprend les deux logos des organismes de certification : Jakim en Malaisie et IFANCA aux États-Unis. Dans la brochure qui peut être téléchargée à partir de son site, Nestlé fournit des informations complètes au sujet de son engagement en faveur de la nourriture halal, son processus de certification halal et les marques qui sont disponibles en Malaisie.
Les entreprises françaises spécialisées dans la viande (Doux, Duc, Charal ou SOVIBA) sont présentes sur le marché depuis quelques années maintenant. Le seul problème concerne la stratégie de marque. Vont-elles ou non lancer une marque halal spécifique ? Duc, par exemple, ne prévoit pas de lancer une marque certifiée halal. La société précise seulement qu’elle détient une certification halal. La société française Délice Mondial a été contrainte de lancer une nouvelle marque, car elle fabrique principalement des produits à base de viande de porc. Il serait inutile d’expliquer que les produits halal n’ont rien à voir avec les autres produits de la même marque. La société a donc développé une nouvelle marque appelée El-Moumtaz qui s’adresse en trois langues aux consommateurs : français, anglais et arabe.
L’autre façon pour des sociétés occidentales de satisfaire les consommateurs occidentaux cherchant des produits halal est tout simplement d’importer des produits développés pour les marchés musulmans par la même société. C’est le cas de Nestlé qui importe sa soupe Maggi halal en provenance du Maroc plutôt que d’essayer de développer un produit spécifique pour le marché français.
Il est possible de trouver sur les linéaires français des marques comme Alpa et l’Ifri (boissons non alcoolisées importées de Tunisie et l’Algérie) ou bien des raviolis Dea et la marque suisse Aslaya, qui fabrique des aliments pour bébés et les vend dans certains pays arabes.
D’autre part, les industriels fournissant des arômes s’intéressent de plus en plus à cette question. Firmenich est la plus grande société privée de fragrances et d’arômes dans le monde. Les fragrances sont utilisées par des entreprises de parfums et de cosmétiques tandis que les arômes sont généralement utilisés par les industriels de l’alimentation. Comme de plus en plus de clients en Asie et aux États-Unis demandent des arômes certifiés halal, Firmenich a su réagir à la demande de ses clients. En 1998, Firmenich a sélectionné IFANCA pour certi- fier sa production1.

La reconnaissance mutuelle des certificats

Comme beaucoup d’agences de certification sont en concurrence, la question de la reconnaissance mutuelle des certificats se pose. Lors du World Halal Forum de Kuala Lumpur en 2008, la question n’était pas résolue malgré la mise en place de l’International Halal Initiative. L’auteur de cet ouvrage a pu se rendre compte lui- même de l’ampleur de la tâche car il a demandé à l’agence de certification halal des Pays-Bas si elle était prête à accepter des produits estampillés halal par la grande mosquée de Paris. La réponse a été négative. Ce qui veut dire qu’une entreprise qui veut vendre des produits halal dans plusieurs pays européens doit obtenir plusieurs certificats halal afin d’être sûre qu’il n’y ait pas un boycott de la part des agences de certification locales. Pour se faire certifier, les producteurs disposent de toutes les informations nécessaires sur les sites web des agences de certification. Ainsi celui d’AVS (www.halal-avs.com) énumère les démarches précises pour obtenir un certificat avec des processus différents pour les abattoirs de volaille, d’ovins ou de bovins d’un côté et les processus spécifiques pour les boucheries et les centres d’élaboration des viandes. La grande mosquée d’Évry offre la possibilité de télécharger le cahier des charges nécessaire pour obtenir un certificat sur le site : www.mosquee-evry.fr. C’est toutefois le site de la grande mosquée de Paris qui est de loin le plus complet car il fournit un dossier exhaustif près de 70 pages sur le halal et le haram rédigé par M. Dalil Boubakeur, recteur de la mosquée. Ce dossier donne toutes les informations concernant les produits et les ingrédients ainsi que la justification spirituelle, mais aussi les règles à remplir pour obtenir le certificat de la mosquée de Paris (www.mosquee-de- paris.org).
Afin d’être certains que les produits ne contiennent pas d’éléments illicites, des personnes privées et des groupes demandent aux plus grandes sociétés de leur certifier que les produits et les ingrédients notamment d’origine animale ne sont pas contenus dans leurs produits.

La Malaisie, une référence pour la certification halal

La Malaisie ne ménage pas ses efforts pour devenir une référence mondiale pour les musulmans. Le pays organise le sommet de l’OCI, le Forum mondial du halal, établit des centres d’étude sur la nourriture halal à la Kolej Universiti Islam Malaysia (KUIM), à l’Universiti Putra Malaysia (UPM) et à l’Universiti Tekno- logi Mara (UiTM). Elle met en place un système économique halal qui couvre tous les domaines des affaires, de la banque aux assurances en passant par la logis- tique. Son organisation la plus connue est le Jakim (département islamique de développement) qui décerne le certificat halal Jakim. Cet organisme est ce qui se fait de mieux en matière de halal en se fondant sur le Codex Alimentarius et sa section « directives générales d’utilisation du terme halal » qui a été adoptée en 1997. La commission du Codex Alimentarius1 a été créée en 1963 par la FAO et l’OMS avec pour objectif d’élaborer des normes alimentaires, des lignes directri- ces et d’autres textes, tels que des codes de pratique dans le cadre du Comité mixte FAO/OMS sur les normes alimentaires. Les principaux objectifs de ce programme sont la protection de la santé du consommateur, la promotion des pratiques commerciales loyales dans le commerce alimentaire et la coordination des organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales qui travaillent sur la chaîne alimentaire. La commission du Codex Alimentarius  admet qu’il peut y avoir de légères différences dans l’interprétation subjective de l’abattage des animaux selon le rite islamique. Tout dépend des différences conceptuelles de chaque école de pensée islamique (fiqh). Toutefois, selon la commission, les différentes agences de certification devraient reconnaître les certificats établis par les autres pays, ce qui est loin d’être le cas.
Afin d’assurer la prééminence du Jakim sur les autres certificats halal, la Malai- sie a lancé sa nouvelle norme, le MS 1500 : 2 004 (Halal food – production, preparation, handling and storage – general guidelines) le 16 août 2004. La crédi- bilité de la certification halal Jakim a longtemps été assurée par les nombreuses entreprises multinationales qui l’ont adopté, de Nestlé à Colgate. Sa notoriété a dépassé les frontières et de nombreuses sociétés ne produisant pas en Malaisie désirent également obtenir sa certification. Pourtant le gouvernement a décidé d’arrêter la délivrance de la certification halal pour les produits fabriqués à l’étranger.
La Malaisie a fait des envieux, notamment son voisin thaïlandais où le pour- centage de musulmans est beaucoup plus faible. Toutefois, le gouvernement thaïlandais a reconnu l’importance du marché halal et a adopté une stratégie globale visant à devenir un opérateur important sur ce marché. En septembre 2001, le gouvernement thaïlandais a approuvé un plan de développement de l’industrie halal. Le système comprend un plan marketing pour la promotion de la nourri- ture halal fabriquée en Thaïlande, le développement de Pattani en tant que région spécialisée sous le nom de « Halal Industrial Estate de Pattani », la créa- tion du Laboratoire central et du Centre d’information scientifique pour le déve- loppement des aliments halal à l’université de Chulalongkorn. Le gouvernement a également subventionné le bureau du comité central islamique de la Thaïlande pour organiser le Halal Food Standard Institute. Apparemment, l’exemple malai- sien a été suivi de près par son voisin thaïlandais.
D’autres pays, comme l’Iran, ne veulent pas rester à l’écart. Dans ce cas précis, il est intéressant de noter est que les responsables iraniens n’hésitent pas à deman- der à des sociétés occidentales d’organiser des expositions et des salons halal sur le sol iranien. C’est en effet, une société allemande, Messe, qui organisait en 2006 les salons « l’Iran et l’alimentation » et « l’Iran pays d’accueil de l’alimentation et des boissons ». Cette initiative de confier aux sociétés occidentales l’organisation des salons semble avoir porté ses fruits puisque plus de cent cinquante exposants et sept pavillons nationaux ont participé en 2006 au salon sur le commerce équi- table (Allemagne, Autriche, Inde, Indonésie, Sri Lanka et Turquie). Il s’agit du plus important événement international sur l’alimentation en Iran et même si le terme de nourriture halal n’est pas mentionné, il est évident que seul ce type de nourriture peut être proposé. Partout dans la région, les foires et salons alimen- taires se multiplient. Pour dernier exemple, nous mentionnerons un salon alimentaire en Arabie Saoudite organisé par la société Al Harithy.
La Malaisie aide également les autres pays à se doter d’agences de certification halal comme par exemple en Bosnie-Herzégovine. La communauté islamique couvrant la Bosnie-Herzégovine, la Serbie-et-Monténégro (région du Sandjak), la Croatie et la Slovénie a récemment lancé son propre organisme de certification appelée Agence de certification de qualité halal et a déjà certifié six entreprises de Bosnie pour environ quatre cent cinquante produits1.

Importance des marchés des aliments halal : quelle stratégie pour les entreprises ?

Selon le Centre for American Muslim Research & Information de New York, les dépenses alimentaires des musulmans américains sont estimées à 12 milliards de dollars, tandis que la taille du marché mondial du halal est estimée à 150 milliards de dollars par an. Cette estimation est donnée par le MIHAS (le Malaysia International Halal Showcase) et le World Halal Forum de mai 20062. Les estimations varient, mais dans tous les pays où les musulmans vivent, la consommation de la nourriture halal augmente, même dans les pays où les dépenses alimentaires totales baissent. Le marché de la viande halal est estimé à 5 milliards d’euros en Europe, et il augmente de 15 % par an depuis 19983. Il y a environ trois mille boucheries musulmanes en France qui réalisent environ 80 % des ventes, mais la grande distribution est de plus en plus présente. Le chif- fre d’affaires de la viande halal augmente alors que le chiffre d’affaires de la viande en général diminue de 2 % par an en France.
Au Royaume-Uni, il y a environ 3 millions de musulmans, et pourtant, d’après Dr Salim de UK Food Safety Authorithy, il y a six millions de consom- mateurs de viande halal. Selon lui, en effet, beaucoup de non-musulmans consomment de la viande halal soit parce qu’ils apprécient ce type de viande, soit parce qu’ils n’ont pas le choix, car ils vont s’approvisionner dans un commerce de proximité qui ne propose que ce type de viande. De plus en plus de supermarchés européens proposent des rayons halal. Les pays occidentaux comme les États- Unis mettent en garde les fournisseurs potentiels de pays musulmans en viande halal sur la nécessité de respecter les règles et les certificats et l’USDA (United States Department of Agriculture) a publié les exigences de la Malaisie en matière d’importation fixées par le FSIS (Food Safety and Inspection Service), sur son site Internet1.
En Europe, la nourriture halal se développe également. Selon le 3e Salon de la nourriture halal qui s’est tenu à Paris en 2006, environ 20 millions de musulmans en Europe consomment plus ou moins régulièrement de la nourriture halal. La France est le plus grand marché halal en Europe et de grandes entreprises, comme Duc (leader français des volailles certifiées dont l’usine Cobral distri- bue des produits de traiteur à base de volaille pour le marché halal) ou bien son concurrent Doux, ont su saisir cette opportunité.
Le succès de la nourriture halal dans les pays occidentaux n’est pas seulement dû à l’augmentation du marché strictement musulman. Le marché se développe aussi parce que la nourriture halal répond aux demandes et aux tendances actuel- les de l’industrie alimentaire. Ce marché couvre un large champ parce que la nourriture halal est perçue par les musulmans et les non-musulmans comme saine, éthique et écologique. Un grand nombre de consommateurs perçoivent le halal et le cacher comme mieux contrôlés à toutes les étapes de la préparation et du traitement pour atteindre les normes les plus élevées en matière de sécurité et d’hygiène, même si des tromperies sur la marchandise existent aussi. Dans un reportage publié par Le Monde, deux bouchers ont été arrêtés au Caire car ils mélangeaient du chat, du chien, et du mulet à des hamburgers vendus comme du bœuf2. La question de la confiance est donc centrale pour l’élargissement du marché aux non-musulmans et ce n’est pas parce que le commerçant ou le boucher est musulman que cette confiance est acquise d’avance. C’est pourquoi la société Midamar aux États-Unis propose des produits typiquement américains comme les nuggets de poulet, de dinde ou des steaks halal. En même temps, la société souligne qu’elle est la première à collaborer avec l’USDA pour la mise au point d’un programme accrédité halal 3.
Si l’on ajoute à cela que le couscous est aujourd’hui considéré comme un plat français (il s’agit du deuxième plat préféré des Français selon l’étude de TNS Sofres pour le magazine Notre Temps en 2006) et le kebab en Allemagne comme un plat allemand, cela ne peut que conforter un certain nombre de consomma- teurs à accepter de la nourriture halal.
C’est la démarche qu’a adoptée une société française qui veut vendre du kebab à des non-musulmans, et notamment à ceux qui vivent entourés de musulmans et pour qui il est normal de manger du halal puisque leurs voisins le font aussi. La société Resto Folies, spécialisée dans la fabrication de sandwiches pour collec- tivités, a misé sur le kebab. Selon SnackFoods1, une gamme de sandwiches kebab appelée ZamZam a été lancée par Resto Folies. Son fondateur a précisé que « ZamZam évoque la transmission, la relation de confiance vis-à-vis de ce produit halal. Plutôt que de lancer de grandes campagnes de communication autour de ce produit, nous misons essentiellement sur le bouche à oreille entre musulmans ». Le site de Resto Folies présente désormais ses sandwichs sous un autre nom : Miam-Zam Halal. Il est vrai que le nom de ZamZam est hautement symbolique et peut ne pas être approprié pour ce genre de produits. ZamZam est en effet le nom de la source d’eau sacrée de La Mecque près de la Kaaba. Sa commercialisation est interdite par le gouvernement saoudien car cette eau est destinée à tous les musulmans quelle que soit leur fortune.
Le halal ne se limite pas seulement à la nourriture, mais porte sur tous les éléments de la chaîne d’approvisionnement. Ainsi, de nouveaux métiers halal sont récemment apparus. Ces métiers se concentrent sur tous les éléments de la chaîne, que ce soit dans le B2B ou dans la logistique. En Malaisie, par exemple, des parcs d’activité halal ont vu le jour, réservés aux producteurs d’aliments halal et des activités annexes. Ces initiatives ont à leur tour conduit à l’émergence de la logistique halal sur toute la chaîne du froid jusqu’à la création d’une zone de libre-échange halal dans le port de Tanjung Pelapas à Johor Bahru. D’autres initiatives ont permis la création d’un collège de formation à la gestion de la nourriture halal, aux normes et à la certification halal et d’audit afin de vérifier le respect de la traçabilité totale depuis l’élevage jusqu’à l’assiette. Dans le domaine du B2B et à l’instigation du Forum mondial du halal, une nouvelle entreprise appelée Halal Trade Hub a été mise sur pied2.
La jeunesse musulmane des pays occidentaux devient de plus en plus stricte sur l’observation des principes religieux. Selon un rapport établi par le Royaume- Uni et publié par The Telegraph, 40 % des musulmans âgés de 16 à 24 ans disent qu’ils préféreraient vivre sous la charia en Grande-Bretagne, ce qui n’est pas le cas des personnes plus âgées : les plus de 55 ans ne sont que 17 % à déclarer la même chose1. La radicalisation des musulmans en Grande-Bretagne s’est manifestée surtout après les attentats de Londres en juillet 2005. Cela a eu pour effet de booster la vente de produits associés au halal way of life. La radicalisation existe même dans les pays musulmans et notamment dans le plus grand d’entre eux : l’Indonésie, où traditionnellement, les dirigeants du pays ont adopté une attitude pragmatique qui fait coexister la croyance musulmane et les croyances animiste, bouddhiste et hindouiste. La nouvelle loi anti-pornographie récemment promul- guée devrait avoir un effet non seulement dans les médias mais aussi dans le comportement du public, y compris dans sa façon de s’habiller. Les oulémas du MUI (Conseil musulman indonésien) ont déclaré : « Nous oulémas d’Indonésie sommes d’accord pour réclamer une loi anti-pornographie... Avec nous, il n’y a pas de négociation sur ce point2. » Le projet de loi précise que les baisers en public devront être punis ainsi que les publicités montrant « les parties sensuelles du corps humain ». Dans l’ensemble, la radicalisation se traduit par un respect plus strict des cinq piliers de l’islam.
Le marché du halal représente des opportunités sans égal. Dans les pays musulmans d’abord où le marché est mature, tous les produits vendus sont déjà halal. Seule manque la variété des produits. Jusqu’à présent, les entreprises locales se contentaient de proposer une offre réduite et traditionnelle. Avec l’arrivée des grandes surfaces comme Carrefour ou Casino, il est nécessaire de remplir les rayons dont la taille n’a rien à voir avec ceux d’un commerce de proximité. Les géants de la distribution sont donc à la recherche de nouveaux produits pour asseoir leur leadership devant le commerce traditionnel. Ces enseignes vont se tourner naturellement vers leurs fournisseurs habituels (Nestlé, Danone, Coca- Cola, Unilever...) qui non seulement peuvent garantir la traçabilité de leurs produits mais aussi fournir les quantités demandées en temps et en heure. Ces enseignes achètent à travers leurs centrales d’achat et une petite entreprise française spécialisée dans un marché halal (bonbons, croque-monsieur, spécialité de traiteur...) qui est déjà référencée auprès des grandes enseignes a de fortes chan- ces de suivre cette enseigne lorsqu’elle s’implante dans les pays musulmans. La réputation de la gastronomie française n’étant plus à faire, cet avantage compara- tif n’est pas à négliger lorsqu’il s’agit de proposer de nouveaux produits sur le marché. Étant donné que la concurrence est plus intense dans les pays occidentaux, les entreprises occidentales ont l’habitude de travailler dans un environnement ment difficile, elles peuvent donc espérer avoir plus de facilité à s’adapter à un marché en perpétuel changement. Pour toutes ces raisons, le marché du halal est actuellement dominé par les entreprises occidentales et la probabilité qu’une entreprise d’origine musulmane vienne concurrencer les entreprises occidentales est faible.
Les pays non musulmans, en revanche, sont loin d’avoir atteint leur maturité. De nombreux musulmans ne peuvent satisfaire leurs besoins tout simplement parce que les produits ne sont pas encore disponibles dans tous les points de vente qu’ils fréquentent. Jusqu’à présent, ces consommateurs pratiquaient un achat panaché : il achetait préférentiellement de la viande halal mais ne faisait pas attention aux autres produits comme les produits laitiers, les cosmétiques, les bonbons ou bien les produits d’hygiène. Par ailleurs, ils sont demandeurs de produits que leurs amis non musulmans achètent comme des saucissons, des lardons, des jambons. Les versions halal de ces produits sont déjà présentes sur le marché. Enfin, les non-musulmans peuvent être intéressés par les produits halal soit parce qu’ils ont vécu dans des pays musulmans, les apprécient et ont l’habi- tude de les utiliser, soit parce qu’ils estiment que ces produits sont de meilleure qualité. En ce sens, il serait plus utile d’insister sur le côté tayyib (bon pour la santé et délicieux), plutôt que sur le côté halal qui peut dérouter et repousser un certain nombre de consommateurs qui ne veulent pas acheter un produit trop marqué religieux.
Les opportunités sont de loin supérieures aux difficultés et l’effort consenti pour lancer une offre sur ces marchés en vaut la peine. D’ailleurs il est aujourd’hui plus facile de tester de nouveaux produits grâce à la prolifération des foires, des expositions et des forums consacrés au halal que ce soit dans les pays musulmans (Abu Dhabi, Kuala Lumpur) ou bien dans les pays non musulmans (Paris). La seule condition pour pénétrer ces marchés est la stricte observation des cinq piliers de l’islam, qui eux-mêmes constituent des sources de revenus non négligeables.

CHAPITRE 4 : Les piliers de l’islam et le marketing

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